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CAP LC 2008
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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique
Entretien avec Jean-Marie Ployé
Auteur de : Neuf mois chez les fous


Décembre 2008

 

CAP LC : Bonjour, pouvez-vous nous raconter les circonstances qui ont conduit à votre internement en hôpital psychiatrique ?

Jean-Marie Ployé : Plusieurs choses m’ont motivé à écrire ce livre mais pour moi l’essentiel était de me séparer d’un paquet de casseroles que je tirais depuis un moment et dont je ne savais pas d’où elles venaient. Cela a été un travail sur moi et il a fallut que je « pète les plombs » pour m’apercevoir qu’il y avait des choses de l’enfance qui étaient enfuies et que je n’arrivais pas à sortir.

D’une manière chronologique, dans les années 70, j’ai créé un groupe vocal qui est devenu professionnel et nous avons travaillé pendant 31 ans ensemble. Nous écrivions des textes sur des thèmes donnés et nous avons fait le tour du monde. Dans les années 97-98, j’ai commencé à avoir des problèmes de planning dans ce sens que j’avais les tournées du groupe à maîtriser, j’avais mon propre planning car je faisais du cinéma, avec Jean-Pierre Mocky et avec Roman Polanski.

Je faisais aussi du théâtre et un autre élément concomitant, je me suis cassé le ménisque du genou droit en jouant au tennis et, suite à cet incident, j’ai goûté à la morphine qui est devenue une addiction, une dépendance très forte. Au même moment mon père est décédé, il était plus qu’un père c’était un ami, c’était quelqu’un à qui je pouvais tout raconter, qui ne jugeait jamais personne.

Ensuite, j’ai rencontré un propriétaire de chevaux de course qui m’a fait gagner dans un premier temps beaucoup d’argent et ensuite fait perdre beaucoup.

Tout cela s’est passé entre 1997 et 2001. C’est un coup de téléphone de ma banque qui a tout déclenché : « écoutez, M. Ployer, vous êtes débiteur de 200 000 francs, qu’est-ce qu’on fait ? Il faut que dans 8 jours votre compte soit créditeur. »

Donc je ne me suis pas trop démonté, je suis allé voir des amis qui m’ont prêté les 200 000 francs. Je suis allé jouer les 200 000 francs au casino d’Enghien-les-bains, alors que je n’avais jamais mis les pieds dans un casino. Les choses sont simples, j’ai misé les 200 000 francs, si je gagnais je remboursais mes amis et la banque ou si je perdais cela doublait ma dette. Dans ce cas j’avais prévu à l’aide du livre « suicide mode d’emploi » de me suicider.

Donc j’ai joué et j’ai perdu et je me suis suicidé. J’ai essayé en tout cas et même la mort n’a pas voulu de moi, j’ai même raté ma mort. Il y avait une dose létale à prendre pour partir et moi pour être sûr de partir j’ai doublé la dose mortelle, ce qui m’a fait vomir et c’est ce qui m’a sauvé. J’étais cinq jours et cinq nuits dans le coma, limite entre la vie et la mort. A ma sortie de coma ma femme m’a fait interner dans un hôpital psychiatrique et cela a duré neuf mois.

CAP LC : Comment s’est passée votre période d’internement ?

Jean-Marie Ployé : Je ne parle que de mon expérience. Je ne dis pas que cela se passe partout de la même façon. Ce livre est mon expérience dans cet hôpital avec ce psychiatre. J’étais dans pavillon où il y avait 25 patients qui étaient malades d’environ une quinzaine de pathologies différentes. Il y avait aussi des gens de central (prison) qui venaient dans cet hôpital psychiatrique pour recevoir des soins en plus des 20 ou 30 ans qu’ils avaient pris pour avoir tué leur femme etc. Et ces gens là disaient, je les ai eus à ma table plusieurs semaines, « vivement que l’on retourne en prison tellement ici c’est l’enfer ».

Vous errez dans 75 m2 et vous êtes 25 en pyjama, il n’y a aucune intimité, pas de parloir. Vous êtes “ encamisoler “ chimiquement, lobotomisé, vous avez 80 % de votre cœfficient intellectuel qui est inhibé. Vous ne pouvez plus lire ni écrire. C’est une lobotomie chimique.

CAP LC : Est-ce que vos proches ont pu vous rendre visite durant cette période ?

Jean-Marie Ployé : Les visites sont scandaleuses ; bien sûr vos proches, vos amis, votre famille peuvent venir vous rendre visite, mais dans quelles conditions ! On les fait entrer dans le pavillon de 75 m2 qui nous est imparti. Il n’y a pas de parloir, il n’y a aucune intimité dans cette grande pièce.

Je me souviens la première fois que ma plus jeune fille est venue me voir. Il y avait un patient qui marchait à quatre pattes et qui avait pour habitude de lécher les chaussures des infirmières qu’il aimait bien. Il est venu vers ma fille et a commencé à lécher les chaussures de ma fille, elle est sortie au bord de l’évanouissement.

Les conditions qu’ils découvrent sont vraiment choquantes. Vous imaginez, aller voir un proche entouré de schizophrènes, de dépressifs, de paranoïaques etc. !

CAP LC : Comment vous en êtes-vous sorti ?

Jean-Marie Ployé : Il se trouve que je suis assez rebelle. Donc je me suis rebellé contre l’institution psychiatrique, même avec cette camisole chimique, je me suis enfui une première fois. Et là on m’a repris, en pyjama on ne va pas loin.

Suite à cette évasion, on m’a fait connaître la cellule d’isolement, ce qui correspond au mitard : c’est une pièce de 3 mètres sur 2 avec 2 mètres de plafond. Il n’y a pas de lumière, juste une petite lucarne qui diffuse la lumière du jour, ça donne sur un mur, cela ne diffuse pas grand-chose. Vous n’avez pas de montre, pas de repère de temps et au bout de quelque jours vous perdez complètement la notion du temps. J’ai passé quinze jours dans ce mitard avec une couverture et un seau de toilette.

La plupart du temps, les gens ne s’en sortent pas. Les statistiques montrent que 80 % des gens qui sont internés dans un hôpital psychiatrique y reviennent une ou plusieurs fois.

J’ai eu la chance d’avoir la thérapie de l’écriture. Je pouvais difficilement écrire à cause de la camisole chimique, j’écrivais des petits mots en tremblant sur des morceaux de papier que je pliais en quatre et que je cachais dans des boîtes Banania. Au bout d’un certain nombre de mois, quand cela a été mieux, j’ai cessé de prendre mes médicaments. Dès que j’ai cessé de les prendre cela a été beaucoup mieux et j’ai commencé à constituer le puzzle qui est la base du livre. Je savais que si je n’écrivais pas au jour le jour, ma mémoire me trahirait. J’en suis sorti au bout de neuf mois, cela aurait pu durer plus longtemps. Neuf mois pour une simple dépression c’est simplement scandaleux.

CAP LC : Comment s’est passée votre sortie ?

Jean-Marie Ployé : Quand je suis sorti de là, on m’a proposé une colonie sanitaire qui est un foyer thérapeutique, une sorte de sas entre l’institution psychiatrique et la vie active ; on est dans des chambres à deux, trois ou quatre. Vous pouvez sortir la journée et là j’ai commencé à me reconstruire, à réunir les papiers pour avoir le RMI, car je n’avais pas un sou, j’ai commencé à chercher du travail pour trouver un appartement. Je n’avais plus rien, mon épouse avait été obligée de vendre ma propriété pour payer mes dettes. J’ai eu la chance de trouver des gens qui m’ont refait confiance. Cela fait à peu près six ans que je suis sorti, je me suis reconstruit en six ans, il m’a fallu ce temps pour écrire ce livre. On ne sort pas de 9 mois de psychiatrie indemne, ce n’est pas possible, la plupart des gens n’en sortent pas.

Ce livre m’a permis de me regarder à nouveau dans un miroir. il est une reconnaissance, une renaissance d’un certain talent artistique. Je suis revenu maintenant dans le même état d’esprit de création artistique qu’avant mon internement.


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