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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique

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Le turban Sikhs n’est pas un dommage collatéral
Par Kudrat Singh Ménir

 

 

Hydre et serpent de mer de notre politique nationale, le débat sur les signes religieux ostensibles ressurgit donc cet été. Une confirmation de plus que le débat tronqué d’il y a six ans n’a produit au mieux que de l’incantation et au pire de la provocation.

Celui-ci n’était cependant pas illégitime. Comme ne l’étaient pas non plus les débats collatéraux concernant le respect des minorités, de la diversité culturelle et des Droits Humains ou encore la prohibition de la discrimination, paramètres fondamentaux de la démocratie contemporaine.

Citoyen du Monde aussi bien que praticien du fait minoritaire et spirituel par atavisme, inclination et engagement, j’ai soutenu durant toute cette période que l’application à l’emporte-pièce, alors même que l’accommodement raisonnable est défini comme un devoir par l’Union Européenne, de ce texte ( à l’exception de son article 4 prévoyant une évaluation de ses dispositions après une période d’un an) poserait à terme plus de problèmes qu’elle n’en règlerait.

Car notre époque se caractérise par l’émergence de l’individu, comme responsable et comme victime, et de la planète, comme cadre global et comme objet de préoccupation Ce phénomène entraîne une crise indéniable des institutions et des identités collectives (Je reprends ici une analyse de Pierre Hassner).

Il n’y a pour le siècle qui s’annonce que deux politiques possibles : celle qui prend le risque de radicaliser et celle qui tend à réunir les modérés de tous bords autour d’un idéal de destin commun.

Je n’ai eu de cesse de dénoncer la recherche systématique de boucs émissaires et de repoussoirs pour pallier les symptômes de cette crise et le régime auquel les personnes perçues comme dissidentes ou simplement porteuses de l’altérité sont soumises par celles et ceux qui entendent faire du principe de laïcité un outil identitaire au service d’un communautarisme majoritaire.

Alors même que l’application de ce principe de séparation des Eglises et de l’Etat devrait avoir pour conséquence la diminution de la fréquence et de l’intensité des crises liées à la coexistence de différents systèmes de croyance entre eux ainsi qu’avec l’absence de système de croyance. Reléguant du même coup à l’arrière-plan, voire s’en détachant, la querelle stérile et pernicieuse de savoir si ces systèmes de croyance et cette absence de système de croyance sont coextensives d’un ensemble de pratiques sociales ou bien de la (non) perception, de l’objectivation et de l’interprétation du Sacré.

Au plan individuel, être laïque ne signifie pas nécessairement être laïc. Il s’agit selon moi de demeurer capable de maintenir une distinction claire entre communauté de destin social et politique et communauté de destin spirituel.

Or pour certains, la laïcité est manifestement devenue croyance en l’absence de croyance. D’où la difficulté de conduire un débat exempt de passions sur cette question. Si une telle conception de la laïcité avait prévalu en France, elle se serait étendue à toute l’Europe et qui sait, peut-être jusqu’en Inde.

Les Sikhs, totalement invisibilisés pendant des décennies, n’avaient d’autre choix pour assurer leur survie en tant qu’entité ethnique, culturelle et religieuse distincte que d’imposer aux planificateurs sociaux une révision de leurs stratégies de modernisation.

Les faits semblent aujourd’hui me donner raison. Comme l’écrivait voici plus de trente ans l’ethnoloque Jean Monod : La vie vaut toujours plus que les normes.

A mes yeux, c’était la capacité des dirigeants politiques à répondre en termes de droits fondamentaux aux exigences nées de la différenciation de l’humain qui se trouvait une fois de plus en question.

Je nourris en effet depuis toujours l’intime conviction que c’est en s’engageant dans cette voie de la lutte contre toute forme de discrimination que l’espèce humaine se rassemblera et échappera au choc des civilisations.

J’ai donc placé ce combat, la résistance pacifique menée par les Sikhs de France pour pouvoir continuer à faire vivre leur tradition dans la dignité, sous la bannière du Droit à la Différence.

Je ne méconnais cependant pas que la portée symbolique de la lutte d’une poignée d’êtres humains pour leur dignité et la sauvegarde de leur tradition spirituelle, ait pu contribuer à tirer le discours sur les religions de sa torpeur séculaire et à le placer au centre des préoccupations.

Car quel droit celui de continuer à porter leur turban, marqueur ethno-religieux principal d’une tradition s’inscrivant au patrimoine immatériel de l’humanité et en voie de diasporisation rapide, couvrant et protégeant de surcroît des cheveux qui ne sont jamais coupés, enlève-t-il concrètement à un autre membre de la société ?

Cette démarche de citoyen du monde n’implique aucunement de participer à la déconstruction du socle de valeurs naturelles de la patrie d’enracinement mais au contraire d’œuvrer au déploiement des valeurs de la patrie de citoyenneté.

Nous aurions simplement souhaité, il y a six ans, que les lois de la République demeurassent suffisamment impersonnelles et abstraites dans leur application pour continuer à protéger les personnes les plus exposées à l’intolérance et à la discrimination.

Je regrette de n’avoir pu ou su à ce jour faire partager la valeur structurante, tant au plan national que supranational, face aux enjeux du XXIe siècle des thèmes centraux de mon engagement.

J’ai cependant, en orchestrant le dépôt de recours devant le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies à l’occasion de leur soixantième anniversaire en décembre dernier, fait le pari gandhien que le Droit à la Différence serait un jour gravé dans le marbre des Droits Humains.

Gandhien parce qu’il s’agit en somme de la quête renouvelée d’un éthos commun à l’ensemble des êtres humains.

*En pratique la seule chose qui soit universelle aujourd’hui en matière de droits de l’homme, c’est leur violation !

Trop nombreux en effet sont encore celle et ceux qui luttent pour le « droit d’avoir des droits ».

Notre monde demeure marqué par l’inégalité des droits, l’injustice, l’impunité des coupables et des responsables. Les dirigeants des Etats et de leurs institutions font chaque jour la preuve de leur incapacité à combler l’abîme d’ambiguïté de part et d’autre duquel se font face l’espoir et la réalisation, la promesse et la déception.

Très souvent, trop souvent, les dirigeants politiques privilégient pourtant d’une manière systématique les intérêts économiques et stratégiques ou encore l’idéologie et laissent aux seuls citoyens la charge de défendre en pratique les droits de l’homme, les leurs comme ceux des autres.

Toujours aussi nombreux sont par conséquent les défenseurs des droits de l’homme accusés et persécutés, dénoncés comme dissidents et ciblés par les organes répressifs de leur gouvernement parce qu’ils ou elles revendiquent les libertés inscrites dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, leurs droits, leur dignité.

Un enjeu majeur de notre temps est de faire diminuer la dangerosité et la division du monde en réaffirmant l’universalité du contrat moral des droits de l’homme, en dépassant les clivages sur leur instrumentalisation, sur la priorité accordée par certains aux droits civils et politiques au détriment d’autres droits, culturels en particulier.

Les démocraties ne devraient-elles pas engager une réflexion plus systématique sur la corrélation entre les droits de l’homme d’une part et le développement, la paix et la sécurité du monde, d’autre part ? Ne devraient-ils pas insister sur la valeur égale de tous les droits de l’homme et la pertinence du recours juridique pour tous ces droits ?

Mon pari était aussi gandhien parce que ne disposant d’aucune espèce de poids politique, je me suis appuyé durant ces quelques années uniquement sur cette force qui fait naître en nous tous le courage, la résilience, l’intuition, l’estime de soi et l’aspiration à la vérité et à la justice.

Quel que soit le nom qu’on lui donne, elle n’est autre que la manifestation de l’Esprit.

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