CAP
LC 2008
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Hydre et serpent de mer de notre politique nationale, le débat sur les signes religieux ostensibles ressurgit donc cet été. Une confirmation de plus que le débat tronqué dil y a six ans na produit au mieux que de lincantation et au pire de la provocation. Celui-ci nétait cependant pas illégitime. Comme ne létaient pas non plus les débats collatéraux concernant le respect des minorités, de la diversité culturelle et des Droits Humains ou encore la prohibition de la discrimination, paramètres fondamentaux de la démocratie contemporaine. Citoyen du Monde aussi bien que praticien du fait minoritaire et spirituel par atavisme, inclination et engagement, jai soutenu durant toute cette période que lapplication à lemporte-pièce, alors même que laccommodement raisonnable est défini comme un devoir par lUnion Européenne, de ce texte ( à lexception de son article 4 prévoyant une évaluation de ses dispositions après une période dun an) poserait à terme plus de problèmes quelle nen règlerait. Car notre époque se caractérise par lémergence de lindividu, comme responsable et comme victime, et de la planète, comme cadre global et comme objet de préoccupation Ce phénomène entraîne une crise indéniable des institutions et des identités collectives (Je reprends ici une analyse de Pierre Hassner). Il ny a pour le siècle qui sannonce que deux politiques possibles : celle qui prend le risque de radicaliser et celle qui tend à réunir les modérés de tous bords autour dun idéal de destin commun. Je nai eu de cesse de dénoncer la recherche systématique de boucs émissaires et de repoussoirs pour pallier les symptômes de cette crise et le régime auquel les personnes perçues comme dissidentes ou simplement porteuses de laltérité sont soumises par celles et ceux qui entendent faire du principe de laïcité un outil identitaire au service dun communautarisme majoritaire. Alors même que lapplication de ce principe de séparation des Eglises et de lEtat devrait avoir pour conséquence la diminution de la fréquence et de lintensité des crises liées à la coexistence de différents systèmes de croyance entre eux ainsi quavec labsence de système de croyance. Reléguant du même coup à larrière-plan, voire sen détachant, la querelle stérile et pernicieuse de savoir si ces systèmes de croyance et cette absence de système de croyance sont coextensives dun ensemble de pratiques sociales ou bien de la (non) perception, de lobjectivation et de linterprétation du Sacré. Au plan individuel, être laïque ne signifie pas nécessairement être laïc. Il sagit selon moi de demeurer capable de maintenir une distinction claire entre communauté de destin social et politique et communauté de destin spirituel. Or pour certains, la laïcité est manifestement devenue croyance en labsence de croyance. Doù la difficulté de conduire un débat exempt de passions sur cette question. Si une telle conception de la laïcité avait prévalu en France, elle se serait étendue à toute lEurope et qui sait, peut-être jusquen Inde. Les Sikhs, totalement invisibilisés pendant des décennies, navaient dautre choix pour assurer leur survie en tant quentité ethnique, culturelle et religieuse distincte que dimposer aux planificateurs sociaux une révision de leurs stratégies de modernisation. Les faits semblent aujourdhui me donner raison. Comme lécrivait voici plus de trente ans lethnoloque Jean Monod : La vie vaut toujours plus que les normes. A mes yeux, cétait la capacité des dirigeants politiques à répondre en termes de droits fondamentaux aux exigences nées de la différenciation de lhumain qui se trouvait une fois de plus en question. Je nourris en effet depuis toujours lintime conviction que cest en sengageant dans cette voie de la lutte contre toute forme de discrimination que lespèce humaine se rassemblera et échappera au choc des civilisations. Jai donc placé ce combat, la résistance pacifique menée par les Sikhs de France pour pouvoir continuer à faire vivre leur tradition dans la dignité, sous la bannière du Droit à la Différence. Je ne méconnais cependant pas que la portée symbolique de la lutte dune poignée dêtres humains pour leur dignité et la sauvegarde de leur tradition spirituelle, ait pu contribuer à tirer le discours sur les religions de sa torpeur séculaire et à le placer au centre des préoccupations. Car quel droit celui de continuer à porter leur turban, marqueur ethno-religieux principal dune tradition sinscrivant au patrimoine immatériel de lhumanité et en voie de diasporisation rapide, couvrant et protégeant de surcroît des cheveux qui ne sont jamais coupés, enlève-t-il concrètement à un autre membre de la société ? Cette démarche de citoyen du monde nimplique aucunement de participer à la déconstruction du socle de valeurs naturelles de la patrie denracinement mais au contraire duvrer au déploiement des valeurs de la patrie de citoyenneté. Nous aurions simplement souhaité, il y a six ans, que les lois de la République demeurassent suffisamment impersonnelles et abstraites dans leur application pour continuer à protéger les personnes les plus exposées à lintolérance et à la discrimination. Je regrette de navoir pu ou su à ce jour faire partager la valeur structurante, tant au plan national que supranational, face aux enjeux du XXIe siècle des thèmes centraux de mon engagement. Jai cependant, en orchestrant le dépôt de recours devant le Comité des Droits de lHomme des Nations Unies à loccasion de leur soixantième anniversaire en décembre dernier, fait le pari gandhien que le Droit à la Différence serait un jour gravé dans le marbre des Droits Humains. Gandhien parce quil sagit en somme de la quête renouvelée dun éthos commun à lensemble des êtres humains. *En pratique la seule chose qui soit universelle aujourdhui en matière de droits de lhomme, cest leur violation ! Trop nombreux en effet sont encore celle et ceux qui luttent pour le « droit davoir des droits ». Notre monde demeure marqué par linégalité des droits, linjustice, limpunité des coupables et des responsables. Les dirigeants des Etats et de leurs institutions font chaque jour la preuve de leur incapacité à combler labîme dambiguïté de part et dautre duquel se font face lespoir et la réalisation, la promesse et la déception. Très souvent, trop souvent, les dirigeants politiques privilégient pourtant dune manière systématique les intérêts économiques et stratégiques ou encore lidéologie et laissent aux seuls citoyens la charge de défendre en pratique les droits de lhomme, les leurs comme ceux des autres. Toujours aussi nombreux sont par conséquent les défenseurs des droits de lhomme accusés et persécutés, dénoncés comme dissidents et ciblés par les organes répressifs de leur gouvernement parce quils ou elles revendiquent les libertés inscrites dans la Déclaration universelle des droits de lhomme, leurs droits, leur dignité. Un enjeu majeur de notre temps est de faire diminuer la dangerosité et la division du monde en réaffirmant luniversalité du contrat moral des droits de lhomme, en dépassant les clivages sur leur instrumentalisation, sur la priorité accordée par certains aux droits civils et politiques au détriment dautres droits, culturels en particulier. Les démocraties ne devraient-elles pas engager une réflexion plus systématique sur la corrélation entre les droits de lhomme dune part et le développement, la paix et la sécurité du monde, dautre part ? Ne devraient-ils pas insister sur la valeur égale de tous les droits de lhomme et la pertinence du recours juridique pour tous ces droits ? Mon pari était aussi gandhien parce que ne disposant daucune espèce de poids politique, je me suis appuyé durant ces quelques années uniquement sur cette force qui fait naître en nous tous le courage, la résilience, lintuition, lestime de soi et laspiration à la vérité et à la justice. Quel que soit le nom quon lui donne, elle nest autre que la manifestation de lEsprit.
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