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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique

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Chronique des soins de l’âme en France
ou l’impossible ligne Maginot
par Gilles Carat

 

 

Le rapport annuel de la Miviludes vient de sortir, avec son nouveau thème : après le satanisme, les enfants surdoués, les médecines alternatives, voici donc les psychothérapies qui seraient des chevaux de Troie desdites « sectes », toujours non définies.

Commençons par rétablir les faits : il ne s’agit pas ici de mouvements dits « sectaires » qui « investiraient le domaine de la psychothérapie », mais plutôt d’un nombre croissant de techniques et mouvements qui récoltent la qualification de « sectaire » au fil des ans (leur nombre officiel se multiplie d’années en années). Ce ne sont pas les « sectes » qui se servent des psychothérapies, mais certains lobbies qui se servent du prétexte des « sectes » pour éliminer de prétendus concurrents, sans combat loyal. Prétendus concurrents, car en général, les techniques visées ne répondent pas à la même demande et ne touchent pas le même public.

A voir la floraison galopante des offres et techniques, le « public » ne s’embarrasse pas d’autorisations officielles et « vit sa vie » au-delà de cette nouvelle ligne Maginot que l’on veut dresser. Oui, il y a bel et bien une vie au-delà de la Miviludes.

Psychothérapie, définition et repères culturels

Les soins de l’âme

Tout d’abord, rappelons l’étymologie de psychothérapie, qui veut dire « soins de l’âme » ou « soins de l’esprit ». De par sa définition, on entrevoit très vite que ce domaine ne peut qu’échapper aux pratiques normalisées d’autres domaines, et on l’espère, à un encadrement par l’Etat.

Qui dit âme ou esprit dit représentation du monde, origine et essence de la vie, finalité de la vie, source de la pensée, relation avec l’univers et les autres êtres. Nous entrons donc dans un domaine multimillénaire, vieux probablement comme les premières communautés humaines.

Philosophie, science, spiritualité

Si l’on parle de soins de l’âme, ceux-ci seraient, on le pressent, à la fois préventifs, curatifs et tout simplement d’entretien, tout comme on prend soin d’une plante. Pour l’aider en cela, l’être humain dispose de trois grands domaines : la spiritualité, la science et la philosophie, trois domaines intimement liés à la connaissance. Bien sûr, il peut recourir à l’un ou à plusieurs des trois. Une technique ou « voie » donnée peut englober plusieurs aspects, et les sociologues des religions constatent même que certains pasteurs n’hésitent pas à mener de véritables séances de psychothérapie avec leurs fidèles.

La spiritualité / religion

Prenons tout d’abord la spiritualité (ou religion selon les contextes), probablement la plus ancienne, qui fournit des repères, pratiques et remèdes, une expérience du monde spirituel et un lien avec le passé culturel, impliquant souvent une démarche collective de partage de ces valeurs, la collectivité participant activement au bien-être des individus.
Nombre de ces voies visent une véritable « guérison » de la personne, une réconciliation avec elle-même, la société et l’univers. Ainsi, le Pasteur D Kounkou, dans son livre Possible foi au cœur de la république, explique-t-il que « la religion prodigue une guérison personnelle, sociale et culturelle », et il affirme même que « une religion qui ne guérit pas est une escroquerie ». Certes, les religions intellectualisées ont tendance à qualifier à ce type de démarche active de « religions magiques », synonyme d’archaïsme dans leur esprit, tandis que les religions « guérissantes » considèrent les autres comme des religions mortes, vidées de leur sève initiale. Vaste débat. Une myriade de thérapies et démarches dites holistiques proposent aujourd’hui une expérience en filiation directe avec ce domaine spiritualité / religion, sans en revendiquer expressément l’étiquette.

La science

Ensuite nous avons la science qui étudie, explique, analyse, teste et met au point des pratiques. Elle est encore assez peu convaincante sur ce terrain marginal pour elle, vu la multiplicité des théories et techniques, révélatrice d’un stade de balbutiement.

Psychanalyse, behaviorisme, cognitivisme, psychologie humaniste, familiales ou intégratives, psychologie biologique ou systémique, on recense un kaléidoscope de près de 200 branches différentes, sujets de recherches et expérimentations. Certains psychothérapeutes « professionnels qualifiés » n’acceptent qu’une petite douzaine de disciplines « scientifiques », d’autres une vingtaine. (Ils entendent souvent par là les disciplines admises au sein de l’université française ou approuvées par elles).

Reste à définir ce qui est « scientifique » et par quel canal on devient « scientifique ». « On devient », oui, car il s’agit souvent de la labellisation d’un groupe de praticien ou d’une école par cooptation plus que d’une analyse de la pratique elle-même. Disons que la « science » de la psychothérapie ressemble plutôt à un art, émaillé de quelques termes à connotation scientifique. Il ne faudrait pas que « scientifique » devienne synonyme de « conforme aux dogmes », véritable gageure en France.

Tous ceux qui cherchent à ériger un mur entre un tout petit nombre de pratiques dites « sérieuses » (lorgnant sur le XIXè siècle) et le bouillonnement de recherches et voies actuelles risquent de se retrouver dans la position de religieux tenant un collège au XIXè siècle qui observaient de l’autre côté de leur mur toute cette vie à laquelle ils ne pouvaient prendre part et qu’ils devaient donc condamner.

La philosophie

Enfin nous trouvons la philosophie, qui recherche une compréhension du comportement, prend du recul par rapport à la connaissance et fournit également un sens à la vie. Ces dernières années, on a d’ailleurs vu fleurir des « consultations philosophiques » individuelles, destinées à résoudre un mal être ou certaines questions existentielles par un dialogue en consultation personnalisée sur le sens.

Thérapie = mise en mouvement de l’être

La démarche de psychothérapie, au sens large, consisterait donc en une mise en mouvement de l’être à l’aide de repères, relations et outils ou techniques. Elle implique une démarche du « psychothérapeute », directeur de conscience, professeur ou coach, dont les propres repères, relations et pratiques influencent grandement la relation qu’il aura avec son « patient ». C’est en fait une co-action, une co-démarche, à tel titre que, par déontologie, un psychothérapeute devrait refuser d’entreprendre une démarche avec un « patient » s’il ne sent pas qu’il peut l’aider ou si les différences de repères et d’explications du monde s’avèrent bloquantes.

Cette démarche de « guérison » implique donc un choix réciproque, que la relation soit individuelle ou implique un groupe.

Vu ce qui précède, est-ce une bonne idée de « professionnaliser » la démarche d’aide thérapeutique ?

Connais-toi toi-même

En effet, dans cette perspective ainsi élargie, on rejoint en fait la tradition de sagesse et de connaissance, dans la lignée du célèbre « Connais-toi toi-même ». On pourrait ajouter : connais-toi toi-même, connais les autres et tes relations avec ces autres, quels qu’ils soient. Mais il est important de préciser que, pour ne prendre que la philosophie Grecque, la « philosophie » était bel et bien une sagesse au sens propre, sagesse qui englobait beaucoup plus que ce que l’on imagine aujourd’hui.

A rebours de nos catégories modernes plus marquées, il est surprenant en effet de constater que les écoles de philosophie grecques étaient considérées comme de véritables mouvements religieux, proposant un idéal de vie et une pratique directement liées à l’enseignement. Ces philosophes étaient également très impliqués dans l’aventure scientifique.

A l’inverse, le Christianisme a été considéré comme une « philosophie » et non comme une religion au cours des deux premiers siècles, ses contemporains étant sensibles à son raisonnement et aux choix personnels résultant de sa doctrine.

Un exemple frappant de ce qui était attendu d’un « philosophe » est illustré par la vie d’Apollonius de Tarse, un représentant exemplaire de la culture gréco-romaine dont le portrait nous est parvenu. L’histoire le présente comme instruit, enseignant la philosophie, conseiller des princes, guérisseur, faiseur de miracles, savant, objecteur de conscience, dialoguant avec les grands prêtres de divers cultes (Egyptien, Hindou). La guérison physique et morale faisait définitivement partie des compétences que les gens qui venaient le consulter attendaient de lui. Au-delà de la réalité documentaire des faits, c’est le concept révélateur de cette époque qui est intéressant. L’homme sage ou sachant devait être capable d’agir sur les événements, les individus et les sociétés, et maîtriser un savoir allant de la science à la religion en passant par la philosophie.

Gageons que les personnes qui allaient le voir, croyant fermement à l’efficacité de sa connaissance, étaient effectivement guéries. La guérison était liée à une explication du monde, à une foi et à une participation active, tout comme la maladie.

On le voit, on est loin de l’assistance à des cours – quelle que soit leur quantité - dans un amphithéâtre moderne, dont le nom grec ne peut masquer la froideur et l’absence de souffle vital.

Un observatoire des pratiques à risques est-il possible ?

Une mission impossible et un domaine difficilement légiférable

Dès que l’on aborde ce genre de domaines, on revient toujours aux croyances : que l’on brandisse des formules de composés chimiques, que l’on fasse appel aux souvenirs, à des exercices de prise de conscience, à l’appel aux forces surnaturelles, aux élixirs de fleurs ou aux mantras, on touche au domaine des croyances. Domaine fort malmené durant l’histoire de France.

Rappelons que jusqu’en 1750, en France, les fidèles protestants surpris en délit de « culte » étaient envoyés aux galères, et le pasteur condamné à mort. La rumeur populaire (croyance donc) racontait également que les protestants tuaient leurs enfants s’ils abandonnaient leur religion. Le jugement était entendu avant même l’enquête, il suffisait ensuite de trouver les preuves. On peut en dire de même sur la chasse aux sorcières, la dernière exécution en France remontant à une soixantaine d’années seulement. C’est dans ce piège que l’on risque de tomber, en France surtout, où certains se piquent de décider unilatéralement de ce qui est « rationnel » et « universel ».

Si l’on voulait établir une « information » et « observer » l’ensemble des voies et techniques répondant à une demande de résolution de problèmes existentiels, il faudrait un panel de spécialistes extrêmement larges – et pourquoi pas, « d’usagers ». La composition même de ce panel serait révélatrice des présupposés philosophiques, religieux ou « scientifiques » de la démarche « d’information », et constituerait déjà un avant-goût des conclusions. On aurait au final une espèce de synthèse des croyances des membres de cet observatoire.

Or, dans le cadre du « recensement » et de « l’information» que projette actuellement la Miviludes quant aux offres de ces « soins de l’âme », qui fera cette étude ? Le patron de l’Institut Pasteur ? Le conseiller Marketing de Sanofi ? Un Président d’université ? Un président d’une association « reconnue » ? Catherine Picard ? Georges Fenech ? l’Unadfi ? Comment pourraient-ils juger objectivement des démarches dont ils ignorent presque tout, à commencer par la philosophie même qui les sous-tend ? Ou dont ils méprisent ou combattent la philosophie, étant à la fois juge et partie ?

Il faudrait déjà qu’ils comprennent que l’on est déjà passé depuis une trentaine d’années à la psychothérapie 2.0, pour parler en langage web, qui réconcilie la connaissance de soi avec l’ensemble des éléments de la vie, au-delà d’une démarche intellectualisée. Et que le concept d’une psychothérapie « réussie », dans l’esprit du psychothérapeute et de l’usager, est lié à la théorie même qui la sous-tend, en général partagée par les deux protagonistes – mais pas forcément partagée par la Miviludes.

Donc, qu’ils ne se fatiguent pas, l’information est déjà assurée par une multitude d’initiatives, sites internets, colloques, catalogues, etc.

Comparer oui, mais sans exclure l’ « institutionnel normal »

Le retour en catimini de « la liste »

Soyons clair, dans le contexte de l’amendement Accoyer visant à réduire le concept même d’aide thérapeutique et les conditions d’accès à ce qui se veut une « profession », connaissant la personnalité et le militantisme réducteur de la Miviludes - du moins de son président, l’immense majorité des pratiques « non-professionnelles », non universitaires, seront classées « pratiques à risque » sur la foi de quelques notes anonymes ou notes téléphoniques glanées à l’Unadfi ou autres.

Contrairement aux consignes des trois derniers gouvernements français visant à bannir la pratique de « listes noires» et leur utilisation, on nous refait le coup de « la liste », établie par des militants ou politiques peu compétents, à rebours des analyses et compétences des spécialistes sociologues ou anthropologues, voire politologues, et nous aurons droit à des diagnostics de dangerosité « éclairs », du genre 2 minutes d’analyse par technique ou mouvement. En surface, on monte en épingle deux ou trois cas controversés, feignant de s’intéresser uniquement « aux excès », et par derrière, on amalgame plusieurs centaines de mouvements ou techniques d’un claquement de doigts. Puis on transmet la « liste » aux préfets pour « surveillance » et on la livre en pâture aux médias.

Une sorte de tribunal ou les accusés n’ont pas le droit de se défendre, la perpétuation de cette stratégie de contournement de la justice qui prévaut en France depuis 20 ans.

Voilà pour le « qui » et le « comment ».

Quant à savoir ce qui sera examiné, toute étude sérieuse se doit d’être comparative, non pas uniquement sur la « théorie », mais bien sur les résultats pratiques.

Des offres « officielles » à grand risque

Il faudrait donc étudier les pratiques des solutions « agréées », et les risques qui y sont liés, puis comparer. En effet, certaines pratiques « estampillées » comme fiables ou «officielles » recèlent parfois de véritables catastrophes.

Exemple : un psychothérapeute patenté laisse sa patiente (qui l’a averti) se suicider sans l’en dissuader, « pour ne pas intervenir dans sa vie ». Un psychiatre « expert » officiel pérore dans un tribunal sur le membre d’un groupe qui s’est suicidé alors … que l’un de ses propres patients privés s’est suicidé il y a peu. Une malade cancéreuse traitée dans un institut prestigieux de la médecine française subit une erreur de diagnostic (1 an de perdu), 18 médecins traitants en 1 an, des erreurs de médicaments, des traitements physiquement dégradants, des consultations froides, le cynisme ou l’incapacité des médecins à mener une conversation normale, une gabegie administrative, des pratiques inhumaines (5 heures dans un couloir glacé), pour finalement mourir comme 140 000 autres patients cancéreux en France chaque année, sans qu’il y ait eu un seul jour de rémission ou de progrès.

Pour rester dans la médecine, ce domaine cousin, « chaque année en France, plus d’un million et demi de journées d’hospitalisation sont dues à la mauvaise utilisation [des médicaments]. Avec à la clef, 25 000 décès ». Propos irresponsables d’un conspirationniste disjoncté ? Non, affirmations du directeur du principal laboratoire français de médicaments génériques (www.ameli.fr, mai 2009). Et nos hôpitaux ? « Les erreurs médicales [commises dans les hôpitaux] font 10.000 morts par an en France, et on recense 300.000 à 500.000 événements indésirables graves chaque année. » Là encore, notre source n’est pas une revue anarchiste, mais un secrétaire national de l’UMP, le Pr Philippe Juvin, propos rapportés par l’AFP en janvier 2009.

Pour revenir aux « soins de l’âme », considérons également les résultats de la psychanalyse, souvent considérée comme l’archétype de la pratique officielle incontournable, celle dont tous les gens « sérieux » revendiquent la filiation, à entendre du moins les représentants de la psychothérapie « scientifique » française : quel est le taux de suicide en cours de cure ? Voir à ce sujet les passages édifiants du livre déjà classique de Jacques Van Rillaer « Les illusions de la psychanalyse », concernant la conception psychanalytique du suicide et sa fréquence lors des cures.

Force est de constater que nombre des offres « officielles » sont à grand risque. C’est d’ailleurs ce « grand risque » qui favorise la multiplication des autres offres. Paradoxalement, les « créatifs culturels » qui investissent le champ de la revitalisation de la conscience appliquent eux-aussi le principe de précaution sur nombre des offres officielles. Le Grand Risque, c’est aussi de passer à côté de la Vie. Il faudrait partir de cette analyse-là et de ce contexte, puis seulement comparer.

Mais ce n’est probablement pas d’une telle démarche rationnelle de comparaison qu’il est question. Il s’agit d’une série de procès à charge traquant les éventuels défauts, réels ou imaginaires, de différentes pratiques non labellisées, sans tenir compte de leurs succès et du soutien qu’elles rencontrent chez les utilisateurs.

Conclusion

Psychothérapeute ? Guide ? Coach ? Pasteur ? Magnétiseur ? Prêtre Celtique ? Le « titre » importe peu. Du moment que la démarche est clairement exposée, les gens choisiront en adultes. Un problème fréquent chez les offres « officielles » est qu’elles se réfugient bien souvent derrière l’argument d’une prétendue « neutralité » pour occulter leurs présupposés philosophiques et spirituels, neutralité quasiment impossible dans la mesure où l’on vise une démarche fort subjective.

La solution se situe dans la transparence et la communication, dans la responsabilisation et non l’infantilisation, sûrement pas dans les anathèmes ou les réactions de défense des groupements d’intérêts en position dominante. Et puis, regardons un peu ce qui se fait hors de nos frontières et les différentes solutions trouvées, ça changera un peu.

Alors on pourra parler de soins (« prendre soin ») de l’âme véritable.

Gilles Carat


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