Grosse fatigue !
CAP Liberté de Conscience Suisse
décembre 2011

Qui dira le nombre d’heures nécessaires à la formation d’un Roger Federer, d’une Maria Callas ou d’un Rudolph Noureïev? Ou encore celles consenties par un Siddhartha Gautama Buddah dans sa quête de perfection? Libre à chacun de considérer de tels investissements comme une joie ou comme un esclavage. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les domaines, hélas, l’excellence exige toujours une grande somme d’efforts !

En France, les abus de la révolution industrielle ont donné à ce mot une connotation des plus impopulaires. En effet, les premiers promoteurs du socialisme appartenaient aux classes oisives. Sans aller jusqu'à dire que leur compassion venait de là, ils ont cependant fini par donner à ce sujet un aspect dévalorisant. Les débats politiques lors du premier tour des élections socialistes en sont un frappant exemple. Ajouté à cela le lourd contentieux français en matière d’intolérance religieuse suivi maintenant par une laïcité pesante et butée en font une des nations les plus critiquées au niveau international.

Sauvetage impossible

Parmi les nombreux mouvements philosophiques surgis dans les démocraties modernes, certains pourraient contribuer aux réformes sociales de leur pays d’implantation. Comme par exemple la prévention de l’abus de drogues ou la restauration de valeurs morales essentielles. Le fait que les politiciens français n’en aient cure est une autre histoire. Cependant, le vide sidéral de toute référence transcendante est en train d’achever le pays, tout comme le fut l’Urss en son temps.

Le témoignage de l’apostat* : une arme médiatique qui porte à tous les coups !

Beaucoup de mouvements spirituels requièrent de leurs membres un engagement et un respect de certaines normes éthiques, tout comme dans les disciplines sportives ou artistiques de valeur. Quoi qu'il en soit, ceux qui décident qu’elles ne leur conviennent plus sont libres de quitter leur groupe.

Pour démolir une entreprise, un groupement politique ou une religion, le summum de l’art journalistique est de mettre la main sur un repenti ! « Ah ! » disent-ils « nous n’inventons rien, c’est ‘eux’ qui le disent ! » Et en avant avec le marteau piqueur !

Un exemple de cela s’est produit dans l’article d’un quotidien genevois à l’occasion du procès de la Scientologie à Paris, une vieille affaire déterrée l’an dernier par l’Association pour la Défense de la Famille et de l’Individu (Adfi). Les plaignants ayant été remboursés, le juge refusant à la défense son droit élémentaire d’accès aux dossiers, les avocats ont tout simplement claqué la porte ! Résultat : le procès s’est poursuivi sans accusés, sans plaignants et…sans témoins ! Seule l’Adfi qui s’était portée partie civile assistait aux « débats ». Un scoop plutôt rare dans les annales de la justice !

Au lieu d’y regarder de plus près, et pour donner le change, le reporter genevois est allé dégotter un apostat en …Australie ! Ce qui est avancé plus haut au sujet de l’effort considéré comme une maladie honteuse est donc avantageusement développé tout au long de son article. Une expérience de plus de 20 ans dans une retraite religieuse devient alors une expérience comparée à l’esclavage !

Mais quelle valeur les sociologues des religions donnent-ils au témoignage d’un apostat.

A ce sujet, voici ce qu’en dit le Professeur Lonnie D. Kliever **:

Les dynamiques de séparation d’avec un groupe religieux autrefois aimé sont analogues à celles d’une séparation maritale ou d’un divorce. Le mariage et la religion impliquent tous deux un degré significatif d’engagement. Plus l’engagement est profond, plus la séparation est traumatisante. Plus l’engagement a duré, plus est urgent le besoin de blâmer l’autre pour l’échec de la relation. Les membres de longue date, profondément impliqués dans les nouvelles religions qui finissent par éprouver un certain désenchantement en font souvent porter tout le blâme à leur ancienne religion (…).

Les apostats des nouveaux mouvements religieux sont maintenant considérés comme des victimes plutôt que comme des personnes ayant tourné jaquette, et cela à cause des histoires extrêmement négatives qu’ils racontent sur leur passé religieux. Mais la question demeure de savoir si les descriptions des apostats de leurs associations et activités religieuses passées doivent être tenues pour fiables.

En me fondant sur ma formation professionnelle et mes propres recherches universitaires, l’apostat ne devrait pas être accepté sans critiques, par les médias, la communauté universitaire, le système juridique et les diverses administrations comme source fiable d’informations sur les nouveaux mouvements religieux. L’apostat doit toujours être regardé comme un individu prédisposé à faire des récits tendancieux sur ses activités et associations religieuses passées(…).

Considérés comme des sources d’informations attendues par un public à la fois curieux et peureux au regard de ces nouveaux mouvements religieux, les apostats sont plus souvent traités comme des causes célèbres que comme des parias (…) ni un ancien membre restant discret même s’il se retire, ni l’apostat verbalement agressif ne peuvent être considérés comme des interprètes objectifs et sérieux des mouvements auxquels ils ont appartenu.

FP

* Le mot « apostat » vient du grec « apostasia » qui, originellement, signifiait insurrection, sécession.

** Le Professeur Lonnie D. Kliever est entre autres un licencié ès lettres auprès de Hardin-Simmons University, en 1955. Maîtrise de théologie auprès de l’Union Theological de New York, en 1959. Doctorat en philosophie - Religion et Philosophie, auprès de Duke University, en 1963.