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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique

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Pharmacratie
Médecine et politique :
L'Etat thérapeutique
par Thomas Scasz
janvier 2011

 

 

thomas scaszDans son ouvrage « De la démocratie en Amérique », Alexis de Tocqueville décrit le mode de vie démocratique américain tel qu’il l’observa lors de son passage aux Etats-Unis en 1831. Il écrit à propos de son séjour : « J’avoue qu’en l’Amérique je recherchais plus que l’Amérique ; je cherchais l’image de la démocratie elle-même, avec ses penchants, son caractère, ses préjugés et ses passions, afin d’apprendre ce que nous devions craindre ou espérer de son développement. »

Dans « Pharmacratie », je décris le mode de vie pharmacratique américain et son développement tel que je l’ai observé depuis les années 50. De même que Tocqueville, je recherche l’image de la pharmacratie elle-même avec ses penchants, son caractère, ses préjugés et ses passions, afin d’apprendre ce que nos devons craindre ou espérer de son développement. En fait j’avais prévu d’intituler le livre La pharmacratie en Amérique, parce qu’à l’heure actuelle la pharmacie domine la vie américaine. Cependant, la pharmacratie n’est pas une invention américaine et la politique pharmacratique règne dans d’autres pays développés et plus particulièrement en Grande-Bretagne et au Canada.

Qu’est-ce que la pharmacratie ? C’est le pouvoir politique légitimé et mis en œuvre par des experts en maladies et en médicaments, les « pharmakoi », de la même manière que la démocratie est le pouvoir politique légitimé et mis en œuvre par la volonté du peuple, « le demos ». J’ai déjà proposé le terme « pharmacratie » en 1974, pour compléter un trio d’expressions destinées à montrer que nous sommes engagés dans un processus de transformation culturelle profonde, un point de vue que j’ai commencé à développer dans les années 50. Avant la seconde guerre mondiale, le système de contrôle social américain reposait sur les valeurs morales chrétiennes et était mis en application au moyen de l’appareil judiciaire fondé sur le système jurisprudentiel anglais, la constitution et les lois.

Par la suite, notre système de contrôle social a commencé à dépendre de plus en plus des principes d’une médecine politisée et a été légitimé et mis en œuvre par un appareil d’état1 respecte complexe qui combine les principes et les pratiques de la « thérapie » paternaliste, de la psychiatrie punitive, de la santé publique collectiviste et du système de justice pénale.

Pour éclairer ce sujet, j’ai proposé en 1960, l’expression Mythe de la Maladie Mentale2. Derrière ce terme de Mythe, mon intention était de mettre en évidence que ce que nous qualifions de maladie mentale ne relève ni de la maladie ni du mental, et que les mesures adoptées pour y remédier ne sont pas des traitements mais des efforts pour que la personne qui dérange se tienne tranquille, devienne passive et soit soumise.*

En 1963, j’ai proposé le terme d’état thérapeutique pour marquer la transformation de notre idéologie politique dominante, l’état démocratique légitimé par la loi, en un état providence légitimé par la psychiatrie en tant que branche de la médecine.

Finalement, en 1974, j’ai écrit dans Chimie cérémonielle : « Nous avons les mots pour décrire la médecine en tant qu’art de la guérison, mais nous n’en avons aucun pour la décrire en tant que méthode de contrôle social ou en tant que pouvoir politique. C’est pourquoi nous devons lui donner un nom. Je propose de la nommer pharmacratie, du Grec « pharmakon », pour « médecine » ou « médicament « et « kratein », pour « diriger » ou « contrôler ». Ainsi, de même que théocratie signifie diriger par Dieu ou les prêtres et démocratie signifie diriger par le peuple ou la majorité, pharmacratie signifie diriger par la médecine ou les médecins. »4 Dans une théocratie, les gens perçoivent les problèmes humains et leurs remèdes comme étant de nature religieuse. De façon similaire, dans une pharmacratie, les gens perçoivent les problèmes et leurs remèdes comme étant de nature médicale.

La pharmacratie en Amérique possède les caractéristiques suivantes : 1) le transfert d’autorité, en ce qui concerne la définition de ce qu’est une maladie et un traitement, du médecin vers le politicien. 2) Le gommage délibéré des frontières entre ce qui est une maladie et ce qui n’en est pas, et entre le traitement médical des maladies et l’utilisation de personnel et de la technologie médicale pour agir sur ce qui n’est pas une maladie. 3) La rupture de la relation économico-contractuelle entre le médecin qui délivre le soin médical et le patient qui le reçoit.

On ne peut pas bâtir un système de protection de la santé sur des prémisses aussi absurdes, d’autant plus qu’ils sont combinés à une désagrégation de la relation naturelle entre le patient et son médecin. Le soin médical est un service personnel et une ressource sociale limitée. Faire du médecin un fonctionnaire de l’état (ou d’un organisme contrôlé par l’Etat) et exonérer le patient de toute responsabilité financière et personnelle par rapport à sa propre santé engendrent nécessairement des conséquences indésirables pour les deux parties ainsi que pour la société. Chaque pays ayant un service de santé nationalisé en a fait l’expérience. Le système de santé américain est complètement déprivatisé, et pourtant nous insistons pour l’appeler « privé » . Il est important de noter que ce que nous appelons « assurance santé » n’a rien à voir avec la santé et très peu avec l’assurance.

Le souscripteur d’un contrat d’assurance habitation est le propriétaire de la maison. Il souscrit une assurance pour se protéger lui-même de pertes trop onéreuses du fait d’événements qui pourraient survenir et qui sont hors de son contrôle, tel qu’un incendie, afin qu’il n’ait pas à supporter le coût des réparations. L’idéal étant, aussi bien pour le souscripteur que pour l’agent d’assurance habitation ou automobile, que le souscripteur n’ait jamais besoin de l’utiliser.

Le souscripteur type en ce qui concerne l’assurance maladie n’est pas l’intéressé, mais son employeur. L’employé ne peut pas discuter d’un meilleur tarif en enlevant certaines clauses, par exemple en choisissant de ne pas être couvert pour alcoolisme ou schizophrénie. L’employé qui finance tout ou partie du coût de l’assurance n’est pas libre de refuser de couvrir les services médicaux demandés par l’état. Dans l’Etat de New York par exemple, la loi sur le bien-être des femmes autorise les plans d’assurance à inclure les contraceptifs y compris abortifs et la loi sur la prise en charge pour infertilité autorise la couverture pour des traitements contre la stérilité, y compris la réduction sélective des embryons (avortement multiple d’embryons conçus par des moyens artificiels)

Les Américains considèrent maintenant leur assurance maladie comme une vache à lait pour pratiquement tout type de dépense qui rentrerait dans la catégorie des « soins », tel que le coût de la pilule contraceptive ou du Viagra. Le coût de ces services rentre dans la même catégorie de couverture que les catastrophes médicales, telles que les conséquences d’une tumeur au cerveau. Une telle incitation produit des effets pervers auxquels on peut s’attendre, comme ces exemples l’illustrent :

Gregory est l’exemple type de « l’abonné », tel est le nom donné par le personnel des services des urgences à leurs visiteurs les plus réguliers. Il a fréquenté le service des urgences de l’hôpital Highland d’Oakland en Californie plus de 1200 fois depuis 1966, et depuis peu à raison d’une à deux fois par jour. Agé de 47 ans, il est sans revenus, sans travail et jusqu’à récemment sans domicile fixe. Il est cocaïnomane. Ils ne peuvent pas le renvoyer car il est véritablement malade . Sa tension est très haute, ce qui le prédispose à des attaques d’apoplexie et des arrêts cardiaques.

Le personnel des urgences lui fait un électrocardiogramme, confirme que sa tension est dans les limites habituelles en ce qui le concerne et le sermonne pour qu’il prenne ses médicaments contre l’hypertension. « Grégory jette son ordonnance à la poubelle dès qu’il sort. Il apprécie beaucoup l’effet créé et la possibilité d’avoir un tel impact. » déclare le Dr Eric Snoey, un médecin des urgences.

Un meurtrier est en attente d’un traitement pour le cancer après avoir reçu un quadruple pontage qui a coûté 160 000 dollars. Cela suffit aux contribuables, dont les impôts financent cette loi, pour se demander qui est puni dans l’histoire… Steve Green, de l’administration pénitentiaire déclare qu’il n’a pas le choix et ne peut qu’autoriser la transplantation cardiaque d’un prisonnier dont il ne révèle pas le nom. « Il a déposé plainte. Le tribunal local a jugé qu’il avait droit à l’implant. Des décisions de justice nous font obligation de subvenir aux besoins médicaux des prisonniers dont nous avons la charge », dit-il.“

Je dois subir une autre opération du côlon dans les 15 jours », déclare Denton Johns, un double meurtrier qui souffre de diabète et d’un cancer du côlon. « Quand j’étais à Saunas Valley, ils m’ont fait un quadruple pontage ». Johns dit qu’il a été surpris du coût de la transplantation : 1 million de dollars. Mais les gens ne devraient pas être choqués, nous sommes à la charge de l’état et l’état doit prendre soin de nous et faire ce qu’il faut pour nous maintenir en vie. » Un prisonnier qui avait reçu un nouveau cœur et avait fait l’objet d’un débat national sur l’éthique de la transplantation d’organe pour les personnes condamnées, est mort à 32 ans, soit 11 mois après son opération. Les responsables de la prison signalèrent que le prisonnier n’avait pas suivi les recommandations du médecin concernant son état de santé après la transplantation. La transplantation qui avait lieu alors qu’au même moment 500 Californiens étaient sur la liste d’attente pour recevoir un nouveau cœur, a déclenché des réactions de colère parmi les auditeurs de la radio et d’autres personnes qui déclarèrent que les criminels ne devraient pas y avoir droit. Les professionnels de la santé se sont défendus en disant que le receveur réunissait tous les critères médicaux et que les médecins n’ont pas le droit de prendre une décision qui relève de la politique. Les responsables des prisons ont également mentionné des décisions de justice les obligeant à donner aux prisonniers les mêmes soins médicaux qu’aux autres Californiens. Ils ont déclaré que la transplantation elle-même coûtait 850 000 dollars et qu’avec le suivi médical cela pouvait atteindre 1 million de dollars.

Les gens ont toujours voulu disposer d’un « système de soins universel », et les gouvernants ont toujours fourni ce service, ou plutôt une loi instaurant ce que les gouvernés acceptaient en guise de « système de soins universel ». Au Moyen-âge, le système de soins universel s’appelait le Catholicisme. Au vingtième siècle on l’appelait le Communisme, au 21ème siècle on l’appelle couverture maladie universelle. Bien sûr, certaines personnes ont toujours reçu et recevront toujours de meilleurs soins médicaux que d’autres, et certaines prennent plus soin d’elles-mêmes que d’autres. Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste en médecine ou en économie pour constater que si la science et la technologie médicale font de grands progrès, l’éthique et la politique de distribution du soin médical régressent. Un tiers qui fournit des soins isole le patient du coût réel du service médical et l’encourage à commettre des abus.

De plus, la publicité pour la maladie et les médicaments encourage la médication inutile et la mauvaise utilisation des médicaments, ainsi qu’une surmédicalisation. Les familles et les organisations religieuses et humanitaires, qui sont les fournisseurs traditionnels de soins infirmiers, sont remplacées par un corps incompétent de pseudo-infirmiers qui accroît les risques pour la santé des patients. Des travailleurs peu éduqués et peu motivés préfèrent choisir l’ « invalidité » au lieu de s’échiner et de s’épuiser à faire un travail mal rémunéré.

Des millions de travailleurs peu qualifiés se sont réfugiés vers la pension fédérale pour invalidité à la suite des licenciements de ces dernières années, doublant le coût des allocations, ce qui en a fait le plus vaste programme gouvernemental d’aide sous forme de revenus complémentaires. La plupart de ceux qui reçoivent l’allocation dans le cadre du système de sécurité sociale, ne sont jamais allés au-delà des études secondaires et travaillent comme ouvriers, serveurs, magasiniers, travailleurs manuels ou auxiliaires de santé. Leur nombre est passé de 3 millions en 1990 à 5,42 millions aujourd’hui, portant le coût du programme à 60 milliard de dollars l’année passée. Cela dépasse l’assurance chômage, l’aide alimentaire ou tout autre programme similaire.

« Montrez-moi un cas d’échec scolaire, particulièrement un homme qui a dépassé les 40 ans et ne travaille pas, et il y a 40 à 45% de chances qu’il perçoive une pension d’invalidité de la Sécurité Sociale », demande David H., économiste au Massachusetts Institute of Technology. Ni le Congrès, ni la Maison Blanche n’ont remis en question le coût exorbitant des pensions pour invalidité, qui se monte à 9 milliards supplémentaires cette année, avec un total de 69 milliard d’après les estimations de la Sécurité Sociale. Les 5,42 millions de personnes recevant une pension d’invalidité touchent en moyenne 819 dollars par mois et représentent actuellement 4% de la population active contre 2,5 % en 1990. Le Congrès a élargi la définition de handicap et a rendu la preuve plus facile à établir. C’est devenu particulièrement facile dans les cas de problèmes de dos et de santé mentale, ces derniers comprenant la dépression, le comportement maniaque et autres « troubles de l’humeur ». Les problèmes de dos et le stress mental sont les problèmes les plus souvent cités dans demandes d’attribution des pensions d’invalidité.

Tout le monde se plaint de la direction vers laquelle notre système de santé s’oriente, pourtant, personne ne veut reconnaitre les deux sources majeures du problème : la médicalisation de la vie quotidienne et le caractère fondamentalement malsain du système à travers lequel nous payons les soins médicaux. Le coût des soins ne fait qu’augmenter tandis que leur qualité décline. De plus en plus de patients ne sont pas satisfaits de leurs soins et de plus en plus de médecins sont mécontents de pratiquer la médecine. Tant que la médicalisation de la vie quotidienne se poursuivra, cette tendance ne pourra pas s’inverser. De temps en temps, un critique social soulève le problème mais n’en tire aucune conclusion et ne distribue aucun blâme. Jim Windofl, rédacteur en chef du New York Observer, écrit :

Les spécialistes ne seront satisfaits que lorsque chaque Américain souffrira d’une maladie ou d’un syndrome ou d’un autre. Si l’on additionne les chiffres compilés aux États-Unis par toutes les institutions, les conseils, les fondations, les Docteurs et les auteurs, on arrive à un triste portrait statistique de la nation. Si vous en croyez les statistiques, 77 % de la population adulte de l’Amérique est dans un état catastrophique. Et nous n’avons même pas mentionné ceux qui disent avoir été enlevés par des extraterrestres, les fous de la circulation ou les drogués de l’Internet. Avec un ou deux troubles mentaux quantifiables de plus, tout le monde en Amérique sera officiellement dingue.

Les publicités soutenues et financées par le gouvernement « éduquent » les gens à « comprendre » que leurs désirs et leur insatisfaction dans la vie, la conduite de leurs enfants irrespectueux et de leurs parents âgés malheureux sont toutes des « maladies diagnosticables », et que toutes ces « victimes » et leurs « maladies « nécessitent des soins, une supervision de nature médicale et un traitement médicamenteux. Il n’est pas très surprenant de constater que les maladies et les traitements qui font l’objet de publicité de nos jours ne sont autres que les troubles mentaux et les médicaments pour les traiter, avec en tête la dépression et les antidépresseurs.

En 1996, Kenichiro Takiguchi, producteur dans la plus grosse société japonaise de programmes télévisés, persuada son patron de passer un reportage spécial de 50 mn sur la dépression à une heure de grande écoute, la présentant comme une maladie que l’on peut traiter. Des millions de personnes ont vu cette émission et 2000 d’entre elles ont appelé pour remercier la chaîne. Maintenant, grâce à l’émission de M. Takiguchi et à l’effort de marketing de plusieurs compagnies pharmaceutiques, les médecins japonais ont adopté la mode de la dépression… que la compagnie pharmaceutique Fujisawa avait initiée, effectuant rien de moins qu’un changement culturel. Il s’agissait d’une étape cruciale : altérer la manière dont les gens parlaient de la dépression. Le mot japonais pour la dépression clinique, utsu-byo, a une connotation déplaisante la reliant à une maladie mentale grave. Alors Meiji (une compagnie pharmaceutique) et ses homologues ont commencé à utiliser l’expression, kokoro no kaze, qui peut être traduite par « l’âme qui attrape un rhume ». Le message : Si vous prenez des cachets pour un nez qui coule l’hiver, pourquoi ne pas faire pareil pour la dépression ? » … L’origine de l’expression n’est pas claire, mais le programme télé de M. Takigushi avait fait remarquer que les Américains prenaient du Prozac comme s’il s’agissait d’un remède pour le rhume. Le message pour le médicament s’inscrivait bien dans la culture médicale japonaise. Les médecins japonais ont l’habitude de gonfler les prescriptions de leurs patients et sont autorisés à leur vendre directement les médicaments, engrangeant des profits souvent substantiels. Les laboratoires Meiji et Glaxo ont organisé des centaines de séminaires sur la dépression destinés aux généralistes et aux psychiatres dans tout le Japon, et disent avor rencontré une fort intérêt. Au Japon, beaucoup de gens, y compris quelques psychiatres qui administrent les médicaments, refusent les psychothérapies occidentales comme étrangères à la culture japonaise. Le système de sécurité social du Japon paie le même montant au médecin pour une heure de psychothérapie ou pour une visite rapide avec renouvellement de prescription… Un médecin japonais formé dans le années 90 a déclaré : « On ne nous a pas enseigné grand-chose sur les raisons pour lesquelles la dépression augmente et pourquoi c’est la maladie moderne. »

De grands écrivains avaient prévu cette tendance. Jules Romains, dans sa pièce, Knock, raconte, à la manière de Molière, la campagne réussie d’un médecin pour convertir un village de gens bien portants en un camp d’invalides11. L’intérêt du charlatan était de convaincre la personne bien portante qu’elle était malade et avait donc besoin de ses services. Le charlatan d’aujourd’hui, dans l’état thérapeutique, cherche à persuader (« éduquer ») les gens qu’ils sont malades et ont besoin des services des agents médicaux (ou paramédicaux) de l’état. Linda Schrock Taylor, responsable administrative d’école publique dans le Michigan, écrit :« L’aspect de l’assurance maladie auquel je suis confrontée est le suivant : on encourage les écoles publiques à croire que les enseignants d’éducation spécialisée fournissent des services médicaux, alors les écoles publiques facturent l’assurance maladie. Ces soi-disant facturations sont en fait réglées, et l’argent, qui est toujours le bienvenu, coule à flot dans les écoles du district. Cependant, l’établissement scolaire ne reconnaît pas le manque de logique derrière cette équation frauduleuse « éducation spécialisée = service médical ». L’ « appel de l’argent » nous fait signe…. Bonjour Mme Classe d’Arts Plastiques. Comment est-ce que Freddy s’applique ce matin ? Hummm … c’était bien de discuter avec vous ». Aucun de ces entretiens, longs ou courts, n’est lié à un acte médical ou à un objectif médical et pourtant on me demande de facturer l’assurance maladie pour cela. En fait, on m’a même demandé de surfacturer, juste au cas où l’assurance maladie déciderait de sous-payer. Les mots exacts du rapport du Principal sont : « un seul service d’activité de coordination peut être approuvé par étudiant et par jour. Indiquez tous les services délivrés sur le formulaire de facturation de l’assurance maladie. L’assurance maladie couvre un service par jour et cinq tous les 20 jours. On vous suggère d’en écrire 7 ou 8 au cas où quelques uns seraient rejetés. »

Il y a pléthore de preuves pour étayer le point de vue selon lequel la politique pharmacratique prolifère et prévaut, quel que soit le parti au pouvoir à la Maison Blanche ou au Congrès. D’après une étude de 2002 de la fondation Héritage, le pourcentage d’Américains qui dépendent des subsides du gouvernement explose.

L’étude analyse les dépenses fédérales entre 1962 et 2002. La dépendance a augmenté de 117 % depuis 1962 et de 38 % dans les 20 dernières années. Elle a augmenté de 9 % depuis George W. Bush. Le gouvernement dépense maintenant 5 fois plus dans les programmes de retraite, 8 fois plus pour l’éducation et 9 fois plus dans la santé et le bien-être qu’il ne le faisait en 1962, en dollars constants. Près de 27 millions de personnes dépendaient du gouvernement fédéral en 1962, et aujourd’hui nous en sommes à 70,6 millions, un accroissement de 162 %, soit trois fois le taux de croissance de la population.

Ce n’est pas par accident de l’histoire que les premiers anatomistes du corps humain furent des peintres et non pas des médecins. Ce n’est pas par accident que les premiers anatomistes de l’âme humaine et de la société furent des écrivains et non pas des psychologues, des psychiatres ou des sociologues. Jonathan Swift, Mark Twain, Anton Chekhov, Samuel Butler, G.K. Chesterton, Aldous Huxley and George Orwell sont et restent les plus fins anatomistes du cœur humain et du groupe humain. Butler, Wells et Huxley, tous ont décrit quelques uns des aspects d’un état thérapeutique et du contrôle pharmaceutique qui le caractérise. Dans sa contre-utopie, Erewhon (anagramme de Nowhere, nulle part), Butler écrit :

« Comme je l’ai déjà dit, ceux [que nous considérons comme des criminels], bien que non punissables judiciairement, sont reconnus comme nécessitant une correction. Il existe donc une classe d’individus entraînés dans le domaine de l’esprit, que nous appelons les redresseurs, si tant est que je puisse traduire un mot qui signifie littéralement « celui qui redresse le tordu » En fait, les redresseurs allaient jusqu’à donner des noms dans cette langue hypothétique (enseignée à l’université de la Déraison) à toutes les formes d’indisposition mentale, et ils allaient jusqu’à les classifier suivant leur propre système, de manière à être toujours capable de dire ce qui n’allait pas avec quelqu’un dès qu’ils avaient entendu son histoire, et leur familiarité avec les noms compliqués l’assuraient qu’ils comprenaient parfaitement son cas…. Je n’ai jamais vu un Erewhonien raisonnable refusant de faire ce qu’un redresseur lui demande de faire, pas plus qu’un Anglais raisonnable ne refuserait de subir même la pire opération si ses médecins lui disaient que c’est nécessaire. »

Dans Erewhon revisité (1901), Butler démolit la billevesée consistant à dire que “la découverte de la Thorazine est aussi importante dans l’histoire de la médecine que la découverte de la pénicilline“ et que “depuis le peu de temps qu’elles existent, les drogues antipsychotiques ont révolutionné la psychiatrie15 ». Il y a plus de 150 ans, Butler écrivait : « Plus de jurons, plus de mauvais langage de quelque sorte que ce soit. Un tempérament de mouton est assuré au bout de 20 minutes grâce à un sseul comprimé pour indigestion spirituelle. Que ce soit pour les maladies morales les plus ordinaire comme le simple mensonge ou les manies homicides, également dans les cas de haine, de méchanceté et de manque de charité, ou encore d’atrophie des instincts de sympathie etc. notre comprimé pour indigestion spirituelle apportera un soulagement immédiat et sans faille. »

Le roman de Wells, M. Barnstaple et les hommes-dieux (Men like God), (1923), est un voyage futuriste dans une société utopiste, fondée uniquement sur la raison et la science, construite après des guerres horriblement destructrices. Urhtred, le guide dans le roman, explique que les membres de cette société ne ressentent aucun besoin d’un contrôle social.

« Il n’y avait pas une telle concentration d’autorité dans leur monde. Il y en avait eu dans le passé, mais cela s’était depuis longtemps dilué dans la communauté. Les décisions relatives à un problème particulier étaient prises par les ceux qui en savaient le plus sur le sujet.

“Mais imaginez, [demande Cecil Burleigh, le ‘visiteur de la Terre’] que ce soit une décision qui doive être appliquée en général ? Une règle affectant la santé publique ? Qui la ferait observer ?

“On n’aurait pas besoin de la faire observer. Pourquoi serait-ce nécessaire ? »

“Eh bien imaginez que quelqu’un refuse de se soumettre à votre règle ?”“Nous enquêterions sur ses raisons de ne pas s’y conformer. Il doit y avoir une raison exceptionnelle »

“Et si cela échouait ?”

“Nous enquêterions sur sa santé morale et mentale”

“Le docteur de l’esprit prend la place du policier » dit M. Burleigh“Les activités de notre monde”, dit Urthred, “sont toutes coordonnées pour assurer la liberté générale.”

L’essence de la pharmacratie repose précisément sur l’idée selon laquelle la liberté équivaudrait à un contrôle médico-psychiatrique. « Les toxicomanes iraient beaucoup mieux si on les arrêtait et si on les forçait à suivre un programme de désintoxication… [c’est] l’essence d’une thérapie humaine, » déclare le psychiatre universitaire de Yale, Sally Satel.

Les caractéristiques du lynchage pour raisons raciales, telles qu’elles ont été présentées par l’éminent historien David Levering Lewis, s’appliquent tout aussi bien au lynchage pour raisons psychiatriques. « Le lynchage était une relation entre les races au moyen d’une corde, une cérémonial sanguinaire remis au goût du jour par des leaders pour qui le caractère totalement mensonger des accusations, non seulement n’entrait pas en ligne de compte, mais constituait même un attribut essentiel de la suprématie blanche supposée éternelle18 ». Mutatis mutandis, le lynchage est la relation psychiatrique au moyen d’un diagnostic, un cérémonial remis au goût du jour par des leaders psychiatriques pour qui le caractère totalement mensonger de la « maladie », non seulement n’entre pas en ligne de compte, mais constitue même un attribut essentiel de la suprématie éternelle de la psychiatrie.

Février 2003 Thomas Szasz
Syracuse, New York


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