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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique

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LEVEE D’ECROU POUR LA LIBERTE RELIGIEUSE ?

Par Christian Paturel
juin 2011

 

 

Habituellement, logiquement et raisonnablement, lorsqu’une bataille doit être livrée on place à la tête des armées les meilleurs généraux, ceux qui ont remporté le plus de victoires. Il ne viendrait à l’idée de personne de nommer un militaire qui n’aurait connu que des défaites, ce que les anglo-saxons appellent un « looser » (pardon pour cette infidélité à la loi Toubon de 1994 sur la protection de la langue française).

En France, « habituellement » on semble avoir adopté la pratique inverse. A croire que l’intelligence et la raison font défaut, que la logique est aux abonnés absents. Je m’explique.

« Continuez à frappez et on vous ouvrira »
(La Bible Matthieu 7 :7)

L’Eglise des Témoins de Jéhovah de France, depuis des années, tente d’obtenir auprès des autorités publiques la possibilité d’avoir des aumôniers dans les prisons. Cette demande, n’a rien d’anormal ou d’indécent compte tenu du statut d’association cultuelle reconnu à cette Eglise par les plus hautes autorités judiciaires (Conseil d’Etat), administratives (bureau des cultes du ministère de l’intérieur) et internationales (Cour européenne des droits de l’homme). Mais, une nouvelle fois, la France, du fait de forces occultes intervenant en dehors de tout processus démocratique, s’illustre par son particularisme et bascule dans l’intolérance et le discriminatoire. La France, ce modèle qui « aux peuples étrangers donnait le vertige » (chanson « Ma France » de Jean Ferrat), va-t-elle enfin faire droit à cette légitime demande des Témoins de Jéhovah ? Aujourd’hui, si la France « donne le vertige aux peuples étrangers », c’est dans un tout autre sens et ce n’est pas un compliment… Elle n’est plus le modèle à suivre, il s’en faut !

Restons néanmoins positifs. Il est possible d’espérer un heureux dénouement après les trois arrêts rendus par la cour administrative de Paris en date du 30 mai 2011. Ces décisions sont très claires et sont exécutoires nonobstant tout recours en cassation devant le Conseil d’Etat :

- La cour confirme l’annulation par les tribunaux administratifs des refus de l’administration pénitentiaire d’accorder le statut d’aumônier aux représentants de l’Eglise des Témoins de Jéhovah,

- Le ministère de la justice, qui jusqu’à ce jour a refusé de faire droit à cette requête, a l’obligation dans un délai de deux mois de réexaminer les demandes d’agrément qui ont été déposées. Passé ce délai, la chancellerie sera condamnée à verser une astreinte de 100€ par jour de retard.

- Le ministère de la justice serait-il procédurier Au point d’encombrer ses propres juridictions

Précisons que l’Etat Français « se réserve le droit de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat » (dixit le porte-parole du garde des sceaux). Un tel recours, pour être recevable, se doit d’intervenir dans les deux mois qui suivent la notification aux parties de ces arrêts.

La position du « ministère de la justice » est indéfendable (car contraire au droit), et absconse (car ignorante de la logique élémentaire). Je savais le ministère de la justice aveugle, je ne pensais pas qu’il était sourd et aussi ignorant… du droit. Pardonnez du peu. Jugez plutôt :

- Le Conseil d’Etat par plusieurs arrêts a reconnu le caractère d’association cultuelle aux associations locales des Témoins de Jéhovah,

- Tirant les conséquences de cette jurisprudence, le ministère de l’intérieur s’est exprimé dans les arrêtés préfectoraux qui ont délivré ce statut aux associations nationales représentatives de cette église,

- La Cour européenne des droits de l’homme depuis des décennies censure systématiquement les Etats (Grèce, Autriche, Russie, France…) qui commettent des discriminations à l’encontre des Témoins de Jéhovah. Pour cette haute juridiction il s’agit d’un véritable culte qui ne suscite ni appréhension, ni suspicion.

- La HALDE, fin février 2010, a considéré que la position intransigeante du ministère de la justice à l’égard des Témoins de Jéhovah était « de nature à limiter l’exercice de la liberté de religion des détenus ».

- A ce propos, le Défenseur des droits a absorbé la HALDE. Sur la base de l’article 44 la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, « toutes les procédures ouvertes (par cette dernière) se poursuivent devant le Défenseur des droits » Cette réforme se met en place progressivement depuis le mois de mai dernier. Des problèmes subsistent néanmoins : le président n’est toujours pas nommé, les fonctionnaires attendent qu’il soit statué sur leur situation administrative, les instructions manquent… (liste non exhaustive).

- La Miviludes jouit de beaucoup plus de facilités, de crédits et de considération pour poursuivre son œuvre déstabilisatrice voire destructrice. Il est vrai, rappelons-le, que nous sommes « Au Pays des droits de l’Homme ». Ah bon ! Je suis rassuré.

- Le contrôleur général des lieux de privation de liberté a déploré la politique de ce ministère qui va à l’encontre de nombreuses décisions de justice.

Sommes-nous, oui ou non, dans un Etat de droit ? La question mérite d’être posée. Le ministre de la justice ignore, méprise, bafoue les décisions rendues par ses propres magistrats, « Au nom du Peuple Français » rappelons-le. Au niveau juridique le dossier du ministre est vide. Sur le plan de la compétence, de l’intégrité et du respect de l’autorité de la chose jugée, c’est inquiétant.

D’autres arguments peuvent-ils être opposés aux demandes d’aumôniers, bénévoles précisons-le, présentées par les Témoins de Jéhovah ? Par respect du contradictoire et aux fins d’être exhaustif, évoquons les :

Une Miviludes « apocalyptique »

Les Témoins de Jéhovah chercheraient à obtenir une reconnaissance cultuelle selon la Miviludes. Mais, Mesdames et Messieurs de cette charmante « institution » (sic pour ne pas dire « hic »), cette reconnaissance cultuelle (et officielle) française a fêté ses 11 ans en juin. Il faudrait peut être se tenir au courant de la vie sociale et… de l’histoire de France.

Les voies de la Miviludes sont « impénétrables » ! Elle nous joue « La Belle au bois dormant », à moins qu’elle nous fasse un « remake » (pardon Toubon) d’ « Un jour sans fin » (film dans lequel le héro est figé dans le temps et revit en permanence la même journée). Quel que soit le film, il va falloir qu’elle se réveille.

A propos, c’est quoi la Miviludes ? Le général de Gaulle l’aurait certainement appelé « le machin », terme de mépris qu’il réservait à l’ONU pour dénoncer son inutilité. Quel est son fondement démocratique ? A quoi peut servir cet épouvantail au pays des droits de l’homme ? La réponse s’impose : à faire peur aux libertés.

Son dernier rapport, « déposé » (le terme me plaît, il évoque… pardon, je m’égare, voilà que je verse dans la scatologie…) ne risque pas de figurer parmi les grandes œuvres humaines qui ont fait progresser l’humanité. La Miviludes se fait tour à tour :

- archéologue en ressortant le dossier des Enfants de Dieu, une affaire datant de… 30 ans ! (Tiens, « on » retrouve la mémoire pour les besoins de « la cause »)

- Fossoyeuse en exhumant le dossier pour le moins énigmatique du « suicide collectif » des membres du Temple Solaire de…1995, (preuves qu’elle n’a rien à « se mettre sous la dent »…),

- doctoresse en se prononçant sur l’efficacité des traitements médicaux,

- sociologue,

- historienne des religions,

- puéricultrice,

- diététicienne… (une nouvelle fois, liste non limitative des compétences gérées par cette organisation)

A une certaine époque, un chef d’Etat africain cumulait tous ces titres, il s’appelait Amin Dada. Il est vrai que c’était un dictateur à qui il manquait quelques « cases ».

Le fonds de commerce de la Miviludes devient un véritable supermarché. « Super Miviludes », une marque déposée, une société commerciale à succursales multiples (Unadfi, CCMM, commission parlementaire…). On y trouve toute la panoplie de l’oppression et de l’intolérance : chiffres mensongers, déformation des faits, manipulation, propos alarmistes sur une apocalypse en 2012… A propos de cette dernière, pour l’instant, le seul élément apocalyptique, il faut le reconnaître, c’est la Miviludes.

« greffier : faites entrer les Témoins »

Je rappelle, modestement et avec beaucoup de respect, au ministre de la justice que la matière des aumôniers de prison est traitée aux articles D 432 à D 439 du code de procédure pénale.

Article D 432 : « Chaque détenu doit satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, morale ou spirituelle ».

Le ministère, faute d’argument juridique, invoque le fait que le nombre de personnes concernées (comprenez le nombre de Témoins de Jéhovah détenus) est trop faible pour justifier la nomination d’aumôniers de cette confession. L’affaire devient ubuesque. En reprenant l’image donnée en introduction, l’Eglise des Témoins de Jéhovah serait handicapée, discréditée, écartée en raison du succès résultant de la faible délinquance enregistrée parmi ses rangs. Inversement, en suivant ce raisonnement pour le moins surprenant, une religion qui peut revendiquer de nombreux criminels (moyen permettant de quantifier ses défaites et échecs au niveau de l’instruction religieuse et morale) se voit « ouvrir toutes grandes les portes de la prison » (c’est une nouvelle image).

L’argument n’est pas juridique. Il est encore moins pertinent. Il est, n’ayons pas peur des mots, ridicule. Ah si le ridicule tuait, il faudrait rétablir la guillotine…

Pourtant, dans de très nombreuses démocraties libérales, les Témoins de Jéhovah ont enregistré beaucoup de succès auprès des détenus. Certains sont devenus croyants, d’autres ont pu exercer leur liberté religieuse en changeant de religion. Compte tenu des résultats déplorables obtenus par la politique pénitentiaire française (en matière de réinsertion dans la société notamment), la décision politique qui conduit à se priver des services (bénévoles) des aumôniers Témoins de Jéhovah est particulièrement regrettable et incompréhensible. Ce faisant, quelques individus, de façon discrétionnaire, s’opposent depuis des années à l’intérêt général et aux besoins de la société.

La Miviludes a été mise en place par les politiciens. Le ministère de la justice dépend des politiciens. Les commissions parlementaires sur les « sectes » sont créées par « quelques » parlementaires qui sont… des politiciens.

« Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément »

« La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration » (Articles 3 et 15 de la DDHC de 1789)

Je doute que les positions prises par ces structures répondent à une aspiration de la nation, à une demande massive du peuple français dont les soucis sont d’un autre ordre.

Elles ne correspondent pas plus aux jugements et arrêts clairs, constants, précis rendus par la juridiction administrative.

Mais alors quel esprit malin opère derrière ces institutions ? Partisans d’un « ordre nouveau » ? Défenseurs d’une laïcité de combat ? Sectophobes congénitaux ? … En tout état de cause, ce n’est pas un esprit juridique vu son mépris des décisions de justice, ce n’est pas « un esprit sain dans un corps sain ». Mais, l’anonymat ne permet-il pas de cacher sa honte, la médiocrité de ses mobiles et son manque de noblesse.

Terminons sur une note plus positive et optimiste

Les garde-fous institutionnels

Il existe fort heureusement des garde-fous (jamais un terme n’a été aussi bien adapté à la présente situation) d’ordre institutionnel :

La presse (parlée, écrite, télévisée)

Cette dernière n’a guère brillé ces dernières années par son intégrité, son souci de vérité, son indépendance et son respect de la déontologie. Toutefois, après avoir suivi, avec beaucoup d’intérêt, l’interview de Georges Fenech par le journaliste Robert Ménard à propos du dernier rapport annuel de la Miviludes, je me reprends à espérer. Les questions pertinentes et précises de Robert Ménard n’ont pas reçu de réponses sensées, convaincantes. Il est vrai que Georges Fenech n’a pas l’habitude d’être gentiment remis en cause. Jusqu’ici, il s’exprimait dans le cadre douillet de plateaux où ses interlocuteurs, sur un ton condescendant voire complice, reniaient la raison d’être et la grandeur de leur profession. Il semble que cette époque soit révolue. Les tribunaux et cours

Vous noterez que je ne fais aucune confusion avec le ministère de la… justice. Des centaines de décisions juridictionnelles ont rappelé, au cours des dernières décennies, que les droits de l’homme et les libertés fondamentales font toujours partie du droit positif français. N’en déplaise à certains.

La Cour européenne des droits de l’homme

Juridiction internationale qui a maintes reprises a repris la France en cas de disfonctionnement dans l’administration de la justice

L’Union européenne, Conseil de l’Europe et, d’une façon générale l’opinion internationale

La France n’est plus une île déserte perdue dans un océan. Nous faisons partie d’une communauté internationale et cette dernière ne manque pas de s’interroger quant à l’aberration de certaines structures qui génèrent des discriminations. Le poids de cette opinion mondiale ne doit pas être négligée. L’information ne relève plus du monopole des médias ou des gouvernements, elle circule très vite grâce à internet.

L’opinion française

Cette dernière, après avoir plus ou moins mordu à l’hameçon « sectes » agité par quelques trublions commence à se ressaisir.

Il est vrai que l’action de plusieurs structures associatives et de personnalités n’est pas étrangère à cette évolution des esprits : CAP-LC, CICNS, Ethique et Liberté , Professeur Pierre Barrucand, Jean Bauberot, Régis Dericquebourg, Anne Morelli, Ligier, Danièle Gounord, le pasteur Dominique Kounkou… (je demande pardon à tous ceux dont le nom mérite de figurer dans cette énumération qui n’a pas la prétention d’être exhaustive)

Le Défenseur des droits.

Ce dernier officie malgré les difficultés évoquées ci-dessus. Dans le dossier qui l’oppose depuis 2006 au conseil général de l’Eure (voir précédents articles), mon épouse a reçu le 15 juin dernier un courrier l’informant que : « Le Défenseur des droits a effectué une instruction approfondie de votre réclamation, à l’issue de laquelle il a décidé de rappeler au Président du Conseil général qu’en l’absence de griefs touchant aux incidences de vos convictions sur les conditions d’accueil des enfants, la décision litigieuse revêt le caractère d’une discrimination prohibée notamment par les articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales »

Voilà une vilaine affaire qui se termine fort joliment. La rivalité qui opposait les époux Paturel touche enfin à son terme, mon épouse me reprochait de négliger son dossier contentieux alors que j’avais su, dans mon procès, obtenir un excellent arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme le 22 décembre 2005. La paix conjugale est revenue. Egalité, un partout, balle au centre.

Terminons cet article sur la liberté religieuse et les prisons en citant Victor Hugo.

Monseigneur Myriel s’adresse à Jean Valjean après lui avoir offert les chandeliers : « Jean Valjean, mon frère, vous n’appartenez plus au mal, mais au bien. C’est votre âme que je vous achète ; je la retire aux pensées noires et à l’esprit de perdition et je la donne à Dieu »

« Les Misérables » Livre 2 chapitre 2

En ce début de XXI siècle, il ya d’autres Jean Valjean et… beaucoup de travail à faire, Monsieur le ministre de la justice


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