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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique

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La Belgique et les « abus de faiblesse »

Par Inès Wounter
juin 2011

 

 

La loi « en vue de sanctionner la déstabilisation mentale des personnes et les abus de la situation de faiblesse des personnes ainsi qu’étendant la protection pénale des personnes particulièrement vulnérable contre la maltraitance »


L’enfer est pavé de bonnes intentions. C’est ce qu’illustre une nouvelle loi sur l’abus de faiblesse adoptée ce 31 mai à la Chambre. Sont visées certaines catégories et en particulier les groupes religieux minoritaires, mais son application dépasse très largement ce cadre. Cette loi ouvre la voie à d’éventuelles tentatives de normalisation des comportements, sans dire son nom. C’est en outre le risque d’une véritable rupture de l’égalité des Belges sous le couvert du politiquement correct : la protection des faibles. Cette loi, comme d’autres, ne respecte ni la Constitution ni la Convention Européenne. L’impressionnisme voire l’amateurisme de la rédaction de la loi risque de la rendre inapplicable. Une porte ouverte à l’arbitraire.Le texte définitif de la loi tel qu'il a finalement été adopté, n'est pas encore publié en raison des nombreux amendements. Le présent article se fonde sur le texte adopté en première lecture par la commission de la Justice.

INTRODUCTION

Cette loi a été adoptée au parlement le 31 mai, avec l'abstention de la NVA de Groen! et du VB. L’objectif déclaré des rédacteurs de la proposition de loi est de « lutter » contre les « sectes ». Or, en dépit de certaines affirmations alarmistes, voire incantatoires, de la part des rédacteurs de la proposition, force est de constater que les infractions et les abus en la matière sont rares. A vrai dire, ce sont les cultes reconnus qui semblent causer plus de difficultés, notamment l’Eglise catholique et les nombreux cas de pédophilie.

Il n’existe même pas de définition de ce qu’est une « secte ». La liste annexée au rapport de la Commission d’enquête parlementaire n’a à cet égard aucune force probante et la Commission d’enquête affirme qu’elle n’a jamais voulu stigmatiser un groupe. Ce que le Centre d'Avis et d'Informations sur les Organisations Sectaire Nuisibles n'a jamais cessé de confirmer. Il n’empêche que cette liste reste aux yeux du public, voire même des autorités, une liste « officielle ».

Le texte de la loi qui vient d’être adoptée contient diverses dispositions tendant à aggraver les peines d'infraction déjà existantes en cas d'"abus de faiblesse". Il ne s'agit dès lors pas de nouvelles infractions mais d'aménagements d'infractions déjà existantes. Mais le texte contient aussi une nouvelle disposition, celle qui retiendra notre attention, qui tend à faire de l'"abus de faiblesse" une infraction en elle-même.

En effet, un nouvel article du Code pénal (l'article 442quater) viserait « quiconque aura sciemment abusé frauduleusement de la situation de faiblesse physique ou psychique, altérant gravement la capacité de discernement d’une personne pour conduire celle-ci à un acte ou une abstention portant gravement atteinte à son intégrité physique ou mentale ou à son patrimoine ».

On relèvera tout d'abord que dans le texte de la loi, il n’est pas question de "secte". Il n'existe en effet aucune définition à ce sujet. Bien d'autres situations non prévues par les rédacteurs de cette loi peuvent être visées, y compris, mais pas exclusivement, dans les religions reconnues.

Dans le cadre de cette nouvelle loi, la famille, l’entourage, ou encore d'autres tiers pourraient être à l’initiative des poursuites, y compris contre l’avis de la « victime » supposée. Certaines associations de protection des victimes pourraient entamer des poursuites, mais à la demande de celles-ci.

Cette loi pose de graves questions au sujet de nombreuses libertés protégées (liberté de culte, liberté d’association, liberté thérapeutique, liberté de disposer de son patrimoine, etc) et d’autres principes fondamentaux dont celui de la prévisibilité en matière pénale et d’égalité entre les Belges. Sur ce dernier point, n’oublions pas c’est sous le prétexte de sa « faiblesse » que la femme a longtemps été considérée comme une « incapable juridique ». Or la loi réintroduit ce concept dans notre arsenal juridique en vue de pouvoir remettre en cause les actes et les abstentions de certaines personnes au prétexte de leur « faiblesse » et de des « abus » dont elles auraient pu être l’objet.

Il convient de rappeler les principes fondamentaux qui prévalent. Chacun a le droit d’avoir des opinions différentes, voire même qui choquent. On a le droit de se tromper et de changer de conviction. Aucune conviction religieuse ou philosophique, ou absence de conviction, n’ayant le monopole de la vérité, personne ne peut juger de la validité des convictions religieuses ou philosophiques, ou de leur absence. Le prosélytisme est admis et fait partie de la protection des libertés fondamentales.

Voir a priori l’exercice de cette liberté, lorsqu’il s’agit de groupes religieux ou philosophique non reconnus, comme ouvrant la porte à des « abus » ou des « manipulation mentale » et vouloir intervenir risque bien d’être une porte ouverte à des tentatives arbitraires de limitation des libertés et par là même de normalisation des comportements, sous couvert de bons sentiments. C’est pourtant la philosophie qui semble sous-tendre la loi et qui est d’ailleurs relayée par le C.I.A.O.S.N. (Centre d'Informations et d'Avis sur les Organsations Sectaires Nuisibles)

1° L' « état de faiblesse », le « discernement » et l' « altération » de celui-ci - Absence de définitions

La loi se fonde sur la notion « faiblesse physique ou psychique ». Ne sommes nous pas tous et toutes à certains moments en état de « faiblesse » ? Le texte prévoit que c'est celle qui altère « gravement la capacité de discernement ». Loin de répondre à la question, cela en ouvre une nouvelle : qu’est ce que le "discernement" ? Quand est il « gravement altéré » ? Qui peut en juger ? Quels sont les critères? La loi n'apporte aucune définition, ce qui est une porte ouverte sur l'arbitraire et une très grande incertitude juridique.

Cette loi présuppose par ailleurs que tous les individus agissent de manière rationnelle, selon des critères préétablis. Non seulement cette affirmation est totalement inexacte, mais en plus cache, à peine, une volonté de normalisation des comportements, ce qui est son aspect le plus inquiétant.

2° L' « abus frauduleux » - absence de définition

Il est requis que l’auteur abuse « sciemment et frauduleusement » de cette situation de "faiblesse". L'auteur présumé doit agir en pleine de connaissance de cause, ce qui risque de poser des difficultés de preuve. Il faudrait que l'"auteur" présumé sache ce qu'est un "état de faiblesse", alors qu'aucune définition n'est donnée (voy. Supra) et que les facultés de discernement soient "gravement altérées", mais à nouveau ceci implique que l'on sache ce qu'est le "discernement" et quand celui-ci est il "altéré" (voy. Supra).

Ceci établi, qu’est ce que l’on entend par "abus frauduleux" ? Quelle est la norme à laquelle on fait référence ? Pour qu’il y ait « fraude » il faut qu’il y ait une norme à respecter. Or la loi ne précise pas l’objet de la fraude. Qu'est ce qui serait un "abus" non frauduleux, et dès lors "acceptable" ? Quand va-t-on passer d'une situation "licite" à une situation "illicite".

Cela crée une grande incertitude juridique, chacun pouvant finalement être potentiellement considéré à un moment ou à un autre soit comme un "abuseur " soit comme une "victime".

Il existe bon nombre de situations de la vie où l'influence des uns sur les autres est tout à fait normale, la faiblesse, réelle ou supposée, étant un élément incontournable des relations humaines, et ayant des répercussions considérables. Si l'abus de faiblesse se greffe sur une infraction aux contours bien déterminés, la situation est différente : l'auteur sait qu'il commet une infraction, avec une éventuelle circonstance aggravante, celle d'abuser d'une éventuelle situation de faiblesse. Mais ici la situation est différente: c'est l'abus « frauduleux » qui de façon générale deviendrait l'infraction, et pour autant que ceci ait des répercussions sur la vie de la victime supposée (atteinte grave à l’intégrité physique, mentale ou patrimoniale).

Dans notre vie quotidienne, bon nombre de techniques utilisées sont destinées à délibérément influencer à l’avantage de certains le comportement des citoyens et des consommateurs au profit de ceux et celles qui le pratiquent: le marketing, la publicité, pour ne citer que quelques exemples. La publicité qui ne tient pas ses promesses, ou l'homme politique qui ne tient pas ses engagements pourront ils ouvrir de nouvelles bases d'actions judiciaires en faveur des consommateurs et des citoyens, voire même en faveur des concurrents?

Comment distinguer l’acceptable de l’inacceptable sans tomber dans l’arbitraire au regard notamment des articles 10 et 11 de la Constitution (égalité des Belges devant la loi). La loi ne prévoit rien à ce sujet ce qui ouvre à nouveau la porte de l’arbitraire et une grande incertitude juridique.

La loi ne prévoit d’ailleurs pas que l’"abuseur" doit tirer avantage de la situation pour être punissable.

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