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Lutte contre les sectes : illusion et poudre aux yeux
Par ARNAUD ESQUERRE sociologue
Source : Libération 14 juillet 2009

 


La lutte contre les sectes fait partie des causes qui mobilisent les énergies nationales avec unanimité. Qui pourrait ne pas souscrire à l’idée qu’il faut protéger les êtres humains, et en particulier les plus faibles d’entre eux, contre des entreprises systématiques d’exploitation et de destruction psychiques ?

Personne ne peut et ne doit rester insensible à la détresse humaine. Néanmoins, il est possible que quelqu’un dont la réflexion ne serait pas entièrement suspendue par la sensibilité, nourrisse quelques interrogations, sinon des étonnements, en examinant de plus près la question, à commencer par la diversité des problèmes soulevés.

En effet, la lutte contre les sectes peut, en France, se revendiquer à la fois d’un procès fait pour escroquerie à des membres de l’Eglise de scientologie, d’une nouvelle proposition de réglementation du titre de psychothérapeute (votée dans le cadre de la loi portant réforme de l’hôpital) et de propositions pour prévenir les dangers d’écouter de la musique black metal. Pour comprendre cette polymorphie, il est nécessaire de rappeler que depuis la fin des années 1970, une «secte» est, dans l’usage courant, une organisation dans laquelle les membres sont manipulés mentalement. Or, une secte n’est pas une structure transhistorique. Elle est toujours le produit de conditions locales et datées.

Avant le milieu des années 1970, les sectes étaient désignées principalement par l’Eglise catholique. Une secte n’était rien d’autre qu’une société de plusieurs personnes qui s’écartent des dogmes généralement reçus dans la religion à laquelle ils appartiennent et qui soutiennent des opinions erronées. Lorsque des associations de victimes et l’Etat se sont engagés dans la lutte contre les sectes dans les années 1980, il leur aurait été difficile de continuer à se référer à la Bible pour pointer celles-ci. Il leur a fallu trouver un nouveau point d’appui et ce fut la «manipulation mentale». La conséquence a été de déplacer la lutte contre les sectes sur le territoire du psychisme, nécessitant des professionnels (psychiatres, psychologues) pour expertiser la manipulation mentale, et élargissant soudainement la liste des groupes qui pouvaient être concernés des communautés se revendiquant de la religion à d’autres affirmant être philosophiques, thérapeutiques ou politiques.

La manipulation mentale, ce concept mou regroupant des procédés hétérogènes, est un mode d’action fort répandu là où les rapports de pouvoir ne sont pas réductibles à l’obéissance à une autorité. La conséquence de cette transformation est que l’action de l’Etat pour lutter contre les sectes, dès lors qu’elle suit le chemin de l’éradication de la manipulation mentale, tombe toujours à côté de la plaque.

Faute d’un délit visant spécifiquement la manipulation mentale, la «sujétion psychologique» , introduite comme une solution miracle en 2001 dans un article déjà existant du code pénal et condamnant l’abus sur personne en état de faiblesse, est utilisée notamment dans les cas où une personne âgée et fortunée se ferait déposséder de ses biens par une autre plus jeune qu’elle.

La réglementation du titre de psychothérapeute, censée permettre la disparition des fausses psychothérapies et des charlatans, aura pour effet principal de créer un nouveau corps de professionnels organisés par l’Etat, laissant sur le côté les savoirs et les savoir-faire psychothérapeutiques qui ne seront pas agréés par ceux qui contrôleront la distribution du titre, tandis que continueront à prospérer toutes sortes d’appellation s’affirmant thérapeutiques.

Attentif à toute dérive potentielle, le dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (la Miviludes) s’inquiète, en outre, du satanisme qui menacerait la population française. Grâce à la manipulation mentale, voici donc dans le même sac les scientologues, les amateurs de musique black metal (supposés adeptes de Satan) et les psychothérapeutes. Le principal reproche fait aux satanistes est la dégradation de cimetières, de lieux de cultes et de calvaires. Or, sur 266 d’entre eux touchés, seulement 22 présentent un caractère satanique avéré en 2008.

Que l’Etat s’alarme de dégradations de biens en général, voilà qui est compréhensible. Mais pourquoi ne pas s’inquiéter en priorité des dégradations qui n’ont pas été commises par des satanistes, puisqu’il s’agit de 90 % d’entre elles ? Loin d’avoir le moindre doute sur le fait qu’un Etat laïque doit se préoccuper autant du satanisme, le rapport de la Miviludes conclut que «le principe de précaution s’applique avant tout pour les mineurs, tant ce qui concerne la navigation sur Internet, que l’adoption de la culture gothique et de la musique black metal».

Comme l’on est jamais trop précautionneux, une interdiction aux moins de 18 ans du prochain film Harry Potter, pétri de culture gothique, ne serait pas illégitime. Le spectre de drames spectaculaires (le Temple du Peuple : 914 morts en 1978 au Guyana ; les Davidiens : environ 80 morts en 1993 à Waco aux Etats-Unis ; l’Ordre du temple solaire : 69 morts en 1994 et 1995 en Suisse, au Québec et en France) alimente toujours la crainte fondée de morts collectives. Il faut rappeler, par ailleurs, que certains membres de sectes sont d’abord dangereux pour les mêmes raisons que n’importe quel délinquant ou criminel : ils pratiquent des escroqueries, des viols, des exhibitions, l’exercice illégal de la médecine, l’exploitation à caractère pornographique de l’image d’un mineur, etc.

Cependant, que l’Etat en profite pour exercer une tutelle sur ses sujets, au nom de leur santé mentale et en prétendant débusquer la manipulation des esprits, ne devrait pas non plus laisser insensible.

Source : Libération 14 juillet 2009

 

 

 

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