Durant
ces jours de deuil et de chagrin, des émotions nous ont unis dans le
monde entier, comme lors de l'effondrement des tours du World Trade Center
ou lors des explosions du métro de Londres ou du train de Madrid.
Les
exécuteurs sont des criminels terroristes qui se cachent derrière
le nom du Prophète vénéré par des millions de
musulmans qui condamnent ouvertement cette violence et se sentent trahis du
fait que ces personnes proclament qu'ils font cela au nom du Prophète.
Pour des millions de musulmans ceci est un blasphème. Cest ce
qua dit le frère dune des victimes lors dun communiqué
de presse.
Laction
des terroristes est une revanche contre les journalistes dun journal
satirique qui a offensé Mohamed et lIslam. Mais les criminels
ont aussi tué deux musulmans qui étaient dans leur ligne de
tir, comme dautres criminels de l'Isis lont fait, coupant la gorge
de gens innocents qui étaient eux-mêmes musulmans. Il semble
évident que lIslam et Mohamed avaient peu à voir avec
cela. La question est dune certaine façon plus complexe que ne
peuvent exprimer ces quelques mots, cependant ce qui sest passé
a été largement commenté par des universitaires et des
politiciens, que je ne souhaite pas en ajouter plus à ce qui a déjà
été dit. Je laisse cela aux débats médiatiques.
Ce
que je souhaite dire au sujet de ces observations concerne la sanctification
des dessins satiriques de Charlie Hebdo et lacclamation d'une France,
terre de liberté: deux campagnes de propagande qui nont rien
à voir avec la mort de personnes innocentes et avec le chagrin de leurs
familles ainsi que celui des familles des criminels qui ont été
tués.
Les
personnes touchées par le chagrin ne présentent pas grand intérêt
pour ceux qui parlent dans les médias pour faire des commentaires,
considérer, évaluer et planifier la manière de vaincre
le « terrorisme islamique ».
Je
commence par les caricatures.
Jai
été choquée par ce qui est arrivé aux journalistes
et certainement rien ne peut justifier ce qui sest passé, mais
je dois dire que je naimais pas les caricatures que publiait le journal
avant et je continue à ne pas les aimer.
Les
caricatures de Charlie mont donné un sentiment de nausée
et de révulsion, accompagné dun certain ennui, car leurs
attaques vulgaires contre les différentes religions, qui ont été
ridiculisées, ne ressemblaient pas à la liberté. Quelle
liberté ?
Dans
mon livre, une liberté qui ne respecterait pas la foi des autres nest
pas la liberté. La dignité dun être humain est également
respectée en ne rendant pas vulgaire ce qui est sacré pour lui,
ce à quoi une personne a confié sa vie, ce qui donne un sens
à la vie à des millions de personnes - la religion, ou tout
autre sorte de croyance.
La
psychologie de la religion, qui étudie la conduite religieuse et les
croyances religieuses étant souvent vitales pour le bien-être
dun individu, a vérifié le rôle de la religion comme
le seul moyen de sortir du gouffre des maladies et des vides existentiels
qui autrement conduiraient au suicide ou à laddiction; lors des
dernières décennies l'accent a été mis sur le
rôle positif des formes religieuses partout dans le monde. Et c'est
une certitude maintenant que la religion nest pas lopium du peuple
ni une névrose obsessionnelle. Cela pourrait l'être, mais ce
nest pas le cas pour la majorité des personnes.
Pour
un croyant, une offense sérieuse envers sa religion, mélangée
en plus avec de la « vulgarité », signifie une grande souffrance
qui est similaire à celle causée par une lame de couteau aiguisée;
cela ne le tue pas mais lassomme. Que loutrage vienne dune
caricature qui fait rire les autres, cela n'améliore pas la situation.
Au contraire cela l'empire.
Hier,
David Brooks, journaliste au New York Times et professeur à lUniversité
de Yale, a écrit dans son article « Je ne suis pas Charlie Hebdo
», que si ces journalistes avaient «essayé de publier leur
journal satirique dans nimporte quelle université américaine
pendant les deux dernières décennies, ils n'auraient pas tenu
30 secondes. Les étudiants et les universitaires les auraient accusés
d'incitation à la haine. »
Il
n'est pas le seul à exprimer ce désaccord. Cest pourquoi,
je crois, qu'on devrait considérer plus profondément l'impact,
dans la façon de transmettre linformation ou de caricaturer,
créé sur les gens qui représentent, à mon avis,
la valeur la plus importante à préserver les gens et
leur dignité même si lon ne partage pas leurs idées
et leur religion.
La
deuxième remarque que je souhaite faire peut paraître sans relation,
puisque aujourdhui tout le monde soutient Paris et la liberté
ou plutôt la liberté républicaine. Cependant, aujourdhui
personne ne dit que la France fait subir de la discrimination depuis des années,
avec des lois et des commissions parlementaires, à des dizaines de
minorités spirituelles et religieuses auxquelles appartiennent ses
propres citoyens; des citoyens français qui sont impliquées
dans aucune violence, mais qui ont plutôt souffert de campagnes de discrimination
non justifiées, orchestrées par les médias et les groupes
anti-sectes sponsorisés par la France « des libertés ».
France
Le
Parlement français a rendu en 1996 et en 1999 deux rapports sur les
sectes qui ont été lourdement critiqués :
[...]
Basé sur de tels rapports et sur les activités de la Mission,
quelques citoyens français ont perdu leur job en tant que membres de
sectes portées sur la liste du rapport de 1996 ; les groupes
inclus dans la liste ont vu linterdiction de louer des bâtiments
publics ou plus généralement de poursuivre leurs activités
normales. La communauté internationale na pas jeté un
il sur ces, développements : des journalistes éminents
ont assigné à la France une position non enviable de 6ème
position (et la première position parmi les contrées démocratiques)
parmi les pays les plus critiquées pour sa violation de la liberté
religieuse.
Les
mêmes critiques ont été entendues plusieurs fois dans
les rapports annuels de ladministration américaine et dans des
journaux dorganisations indépendantes internationales pour les
droits de lhomme (Introvigne
29 septembre 2001) [...]
La
France a dressé une liste de sectes dans laquelle sont
inclus les Témoins de Jéhovah, la Scientologie, l'Opus Dei et
la Soka Gakkai, mais aucun groupe terroriste mené par un Iman prônant
la guerre sainte n'y a été cité. Les rapports parlementaires
de 1996 et 1999 indiquaient que ces « sectes » sont identifiées
sur la base de leurs tendances à la violence. Cependant sur la liste
de 1996 qui comprenait 172 « sectes dangereuses » actives en France,
Introvigne a écrit, à Raymond Forni, le Président de
lAssemblée Nationale française, les propos suivants :
[
]
Pas même un de ces groupes islamiques radicaux dans votre pays, présumée
non moins dangereux et violents que les églises de Pentecôte,
que les bouddhistes et dautres groupes, na été inclus
dans la liste.(..) Les universitaires français mont expliqué
de manière répétée que la liste avait été
préparée par vos services de sécurité, qui avaient
des relations particulièrement bonnes avec le monde islamique,y compris
leurs franges les plus radicales anti-occidentales et anti-américaines
(et pas avec des relations aussi bonnes avec beaucoup de groupes religieux
qui opèrent sur le territoire français parce quils les
considèrent comme « Américains ») Les mêmes
universitaires mont indiqué que lélectorat musulman
est devenu déterminant dans les élections françaises
et peut-être ont-ils raison [
] (Introvigne Septembre 29,2001)
La
France des libertés, tant proclamée et acclamée de nos
jours, est allée plus loin.
Le
30 mai 2001, lAssemblée a voté une loi qui a pour but
de résoudre le supposé problème des « sectes »
en France, lui permettant de les dissoudre si leurs dirigeants étaient
jugés coupables de crimes et d'introduire le crime de « manipulation
mentale » ou de « plagio ». Une loi qui est considérée
comme dangereuse pour la liberté religieuse non seulement par les «
sectes » mais aussi par les représentants des religions majoritaires
basées sur le Christianisme, par le Conseil de l'Europe, par des ONGs
internationales et par le Département d'État des États-Unis.
De
plus, le gouvernement français a financé pendant plus de dix
ans une organisation privée avec des branches dans plus de 20 pays
européens, la Fecris, dont les activités controversées
ont été décrites dans une étude faite par lUniversité
de Dresde, réalisée à la demande de lorganisation
« Droits de l'Homme sans frontières » (Human Right without
Frontiers) et promue par elle.
Par
dessus tout, un député français, Rudy Salles, a travaillé
pendant plus de deux ans, aux frais du contribuable, pour écrire un
rapport, destiné au Conseil de l'Europe, qui mettait en avant les thèses
des groupes anti-sectes, de la Miviludes et de la Fecris, de manière
à obtenir du Conseil de l'Europe une recommandation destinée
aux Etats membres sur la protection des mineurs « victimes » de
soit-disant « dérives sectaires ». Durant toutes ces années,
en dehors d'approuver la loi About-Picard, sûrement la chose la plus
liberticide qui puisse exister, la France a été condamnée
de nombreuses fois par la Cour Européenne des Droits de lHomme,
et le représentant français (Salles) a dit pendant une assemblée
plénière que la Cour Européenne des Droits de lhomme
nest pas une institution fiable.
Seule
la Chine loue la position de la France sur les sectes.
La
France a été condamnée plusieurs fois par la Cour Européenne
des Droits de lHomme pour ses violations chroniques de la liberté
de religion des citoyens français; un pays où un enfant peut
être exclus de lécole car il porte une coiffe religieuse;
un pays où les lois sur la laïcité ne permettent pas de
porter des symboles religieux dans les organismes publics, mais, en même
temps, où des quartiers entiers sont contrôlés par des
groupes terroristes, où des filles nues peuvent entrer dans une église
catholique ou être représentées sur un timbre commémoratif;
un pays où la liberté dopinion est basée sur une
vision jacobine de la religion comme source de tout obscurantisme; un pays
où Mein Kampf peut être présenté dans les librairies,
tandis quun livre écrit par un scientologue ne peut figurer sur
une étagère.
Dans
la France des libertés, une circulaire, appelée « Prévention
et lutte contre les dérives sectaires » publiée par le
Ministère de lEducation Nationale le 22 mars 2012 et adressée
aux autorités des écoles primaires et secondaires, dit que le
personnel de lEducation Nationale (professeurs, directeurs etc.) a le
devoir de repérer tous les enfants et les familles suspectées
de « dérives sectaires », dû à leur appartenance
à certaines croyances religieuses ou visions du monde, et de les signaler
à des unités spéciales créées pour «
collecter, élaborer et évaluer les circonstances alarmantes
» (CRIP) dans chaque département, ou au Procureur de la République.
Pour
ces raisons et pour beaucoup dautres, je ne suis pas avec Charlie ni
avec la France, car je sais déjà que tout ce qui est arrivé
en France na pas servi de leçon et le Premier ministre continuera
à financer des organisations privées telles que la Fecris et
des institutions telles que la Miviludes qui depuis des années poursuivent
les groupes catalogués de « sectes » en dépit de
la demande expresse du Conseil de lEurope de ne pas utiliser ce mot
dont le seul but est de stigmatiser les minorités religieuses et spirituelles.
Je
ne suis pas avec la France qui considère comme dangereuses des minorités
religieuses pacifiques utilisant des médecines alternatives, parce
qu'elles sopposent aux lobbys pharmaceutiques qui influencent les décisions
du gouvernement français.
Je
ne suis pas avec la France car Hollande, tout en déclarant à
la télé que des fonds pour lutter contre les groupes armés
criminels, apparemment peu inquiétés dans le pays, sont insuffisants,
continue à financer des groupes privés et des commissions parlementaires
créées ad hoc pour lutter contre des ennemis imaginaires tels
que les « sectes » sans que personne ne sache ce quelles
sont ni comment elles peuvent être différentes des autres «
religions ».
Si
cest cela la France des libertés, je ne suis pas avec la France.
Dire
cela aujourdhui nest pas politiquement correct, mais je crois
que, si nous voulons vraiment honorer les victimes innocentes et agir contre
les criminels, quelle que soit leur couleur, leur religion ou nationalité,
nous devons dabord être honnêtes et dire la vérité.
Ces autres victimes continuellement sacrifiées sur lautel des
médias et de la propagande politique qui, ces jours-ci, nous submerge
de mots vides de sens mais « intéressés ».
Si
les citoyens de lEurope ne reconstruisent pas une Europe sur les fondements
de valeurs inaliénables et sur les droits de lindividu, les manifestations
et les marches ne seront que des gestes vides et sans valeur, tandis que les
nouveaux racistes et les « anti-tous-ceux-qui-ne-pensent-pas-comme moi
» trouveront des supports comme cela sest produit dans le passé.
Nous connaissons déjà lépilogue, mais il semble
que nous, Européens, aimons répéter les mêmes erreurs
du passé, simplement en changeant de cible - hier les hébreux,
aujourdhui les musulmans ou les « sectes » ou nimporte
quel individu mal vu par les gens qui semblent avoir plus de pouvoir qu'ils
n'en ont.
SOURCE
FOB