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CAP Liberté de Conscience - Liberté de religion - Liberté thérapeutique


Pourquoi Je ne suis pas Charlie et je ne me range pas du côté de la France
Par Raffaella di Marzio
février 2015

 

 

Durant ces jours de deuil et de chagrin, des émotions nous ont unis dans le monde entier, comme lors de l'effondrement des tours du World Trade Center ou lors des explosions du métro de Londres ou du train de Madrid.

Les exécuteurs sont des criminels terroristes qui se cachent derrière le nom du Prophète vénéré par des millions de musulmans qui condamnent ouvertement cette violence et se sentent trahis du fait que ces personnes proclament qu'ils font cela au nom du Prophète. Pour des millions de musulmans ceci est un blasphème. C’est ce qu’a dit le frère d’une des victimes lors d’un communiqué de presse.

L’action des terroristes est une revanche contre les journalistes d’un journal satirique qui a offensé Mohamed et l’Islam. Mais les criminels ont aussi tué deux musulmans qui étaient dans leur ligne de tir, comme d’autres criminels de l'Isis l’ont fait, coupant la gorge de gens innocents qui étaient eux-mêmes musulmans. Il semble évident que l’Islam et Mohamed avaient peu à voir avec cela. La question est d’une certaine façon plus complexe que ne peuvent exprimer ces quelques mots, cependant ce qui s’est passé a été largement commenté par des universitaires et des politiciens, que je ne souhaite pas en ajouter plus à ce qui a déjà été dit. Je laisse cela aux débats médiatiques.

Ce que je souhaite dire au sujet de ces observations concerne la “sanctification” des dessins satiriques de Charlie Hebdo et l’acclamation d'une France, terre de liberté: deux campagnes de propagande qui n’ont rien à voir avec la mort de personnes innocentes et avec le chagrin de leurs familles ainsi que celui des familles des criminels qui ont été tués.

Les personnes touchées par le chagrin ne présentent pas grand intérêt pour ceux qui parlent dans les médias pour faire des commentaires, considérer, évaluer et planifier la manière de vaincre le « terrorisme islamique ».

Je commence par les caricatures.

J’ai été choquée par ce qui est arrivé aux journalistes et certainement rien ne peut justifier ce qui s’est passé, mais je dois dire que je n’aimais pas les caricatures que publiait le journal avant et je continue à ne pas les aimer.

Les caricatures de Charlie m’ont donné un sentiment de nausée et de révulsion, accompagné d’un certain ennui, car leurs attaques vulgaires contre les différentes religions, qui ont été ridiculisées, ne ressemblaient pas à la liberté. Quelle liberté ?

Dans mon livre, une liberté qui ne respecterait pas la foi des autres n’est pas la liberté. La dignité d’un être humain est également respectée en ne rendant pas vulgaire ce qui est sacré pour lui, ce à quoi une personne a confié sa vie, ce qui donne un sens à la vie à des millions de personnes - la religion, ou tout autre sorte de croyance.

La psychologie de la religion, qui étudie la conduite religieuse et les croyances religieuses étant souvent vitales pour le bien-être d’un individu, a vérifié le rôle de la religion comme le seul moyen de sortir du gouffre des maladies et des vides existentiels qui autrement conduiraient au suicide ou à l’addiction; lors des dernières décennies l'accent a été mis sur le rôle positif des formes religieuses partout dans le monde. Et c'est une certitude maintenant que la religion n’est pas l’opium du peuple ni une névrose obsessionnelle. Cela pourrait l'être, mais ce n’est pas le cas pour la majorité des personnes.

Pour un croyant, une offense sérieuse envers sa religion, mélangée en plus avec de la « vulgarité », signifie une grande souffrance qui est similaire à celle causée par une lame de couteau aiguisée; cela ne le tue pas mais l’assomme. Que l’outrage vienne d’une caricature qui fait rire les autres, cela n'améliore pas la situation. Au contraire cela l'empire.

Hier, David Brooks, journaliste au New York Times et professeur à l’Université de Yale, a écrit dans son article « Je ne suis pas Charlie Hebdo », que si ces journalistes avaient «essayé de publier leur journal satirique dans n’importe quelle université américaine pendant les deux dernières décennies, ils n'auraient pas tenu 30 secondes. Les étudiants et les universitaires les auraient accusés d'incitation à la haine. »

Il n'est pas le seul à exprimer ce désaccord. C’est pourquoi, je crois, qu'on devrait considérer plus profondément l'impact, dans la façon de transmettre l’information ou de caricaturer, créé sur les gens qui représentent, à mon avis, la valeur la plus importante à préserver – les gens et leur dignité – même si l’on ne partage pas leurs idées et leur religion.

La deuxième remarque que je souhaite faire peut paraître sans relation, puisque aujourd’hui tout le monde soutient Paris et la liberté ou plutôt la liberté républicaine. Cependant, aujourd’hui personne ne dit que la France fait subir de la discrimination depuis des années, avec des lois et des commissions parlementaires, à des dizaines de minorités spirituelles et religieuses auxquelles appartiennent ses propres citoyens; des citoyens français qui sont impliquées dans aucune violence, mais qui ont plutôt souffert de campagnes de discrimination non justifiées, orchestrées par les médias et les groupes anti-sectes sponsorisés par la France « des libertés ».

France

Le Parlement français a rendu en 1996 et en 1999 deux rapports sur les “sectes” qui ont été lourdement critiqués :

[...] Basé sur de tels rapports et sur les activités de la Mission, quelques citoyens français ont perdu leur job en tant que membres de “sectes” portées sur la liste du rapport de 1996 ; les groupes inclus dans la liste ont vu l’interdiction de louer des bâtiments publics ou plus généralement de poursuivre leurs activités normales. La communauté internationale n’a pas jeté un œil sur ces, développements : des journalistes éminents ont assigné à la France une position non enviable de 6ème position (et la première position parmi les contrées démocratiques) parmi les pays les plus critiquées pour sa violation de la liberté religieuse.

Les mêmes critiques ont été entendues plusieurs fois dans les rapports annuels de l’administration américaine et dans des journaux d’organisations indépendantes internationales pour les droits de l’homme (Introvigne 29 septembre 2001) [...]

La France a dressé une liste de “sectes” dans laquelle sont inclus les Témoins de Jéhovah, la Scientologie, l'Opus Dei et la Soka Gakkai, mais aucun groupe terroriste mené par un Iman prônant la guerre sainte n'y a été cité. Les rapports parlementaires de 1996 et 1999 indiquaient que ces « sectes » sont identifiées sur la base de leurs tendances à la violence. Cependant sur la liste de 1996 qui comprenait 172 « sectes dangereuses » actives en France, Introvigne a écrit, à Raymond Forni, le Président de l’Assemblée Nationale française, les propos suivants :

[…] Pas même un de ces groupes islamiques radicaux dans votre pays, présumée non moins dangereux et violents que les églises de Pentecôte, que les bouddhistes et d’autres groupes, n’a été inclus dans la liste.(..) Les universitaires français m’ont expliqué de manière répétée que la liste avait été préparée par vos services de sécurité, qui avaient des relations particulièrement bonnes avec le monde islamique,y compris leurs franges les plus radicales anti-occidentales et anti-américaines (et pas avec des relations aussi bonnes avec beaucoup de groupes religieux qui opèrent sur le territoire français parce qu’ils les considèrent comme « Américains ») Les mêmes universitaires m’ont indiqué que l’électorat musulman est devenu déterminant dans les élections françaises et peut-être ont-ils raison […] (Introvigne Septembre 29,2001)

La France des libertés, tant proclamée et acclamée de nos jours, est allée plus loin.

Le 30 mai 2001, l’Assemblée a voté une loi qui a pour but de résoudre le supposé problème des « sectes » en France, lui permettant de les dissoudre si leurs dirigeants étaient jugés coupables de crimes et d'introduire le crime de « manipulation mentale » ou de « plagio ». Une loi qui est considérée comme dangereuse pour la liberté religieuse non seulement par les « sectes » mais aussi par les représentants des religions majoritaires basées sur le Christianisme, par le Conseil de l'Europe, par des ONGs internationales et par le Département d'État des États-Unis.

De plus, le gouvernement français a financé pendant plus de dix ans une organisation privée avec des branches dans plus de 20 pays européens, la Fecris, dont les activités controversées ont été décrites dans une étude faite par l’Université de Dresde, réalisée à la demande de l’organisation « Droits de l'Homme sans frontières » (Human Right without Frontiers) et promue par elle.

Par dessus tout, un député français, Rudy Salles, a travaillé pendant plus de deux ans, aux frais du contribuable, pour écrire un rapport, destiné au Conseil de l'Europe, qui mettait en avant les thèses des groupes anti-sectes, de la Miviludes et de la Fecris, de manière à obtenir du Conseil de l'Europe une recommandation destinée aux Etats membres sur la protection des mineurs « victimes » de soit-disant « dérives sectaires ». Durant toutes ces années, en dehors d'approuver la loi About-Picard, sûrement la chose la plus liberticide qui puisse exister, la France a été condamnée de nombreuses fois par la Cour Européenne des Droits de l’Homme, et le représentant français (Salles) a dit pendant une assemblée plénière que la Cour Européenne des Droits de l’homme n’est pas une institution fiable.

Seule la Chine loue la position de la France sur les “sectes”.

La France a été condamnée plusieurs fois par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour ses violations chroniques de la liberté de religion des citoyens français; un pays où un enfant peut être exclus de l’école car il porte une coiffe religieuse; un pays où les lois sur la laïcité ne permettent pas de porter des symboles religieux dans les organismes publics, mais, en même temps, où des quartiers entiers sont contrôlés par des groupes terroristes, où des filles nues peuvent entrer dans une église catholique ou être représentées sur un timbre commémoratif; un pays où la liberté d’opinion est basée sur une vision jacobine de la religion comme source de tout obscurantisme; un pays où Mein Kampf peut être présenté dans les librairies, tandis qu’un livre écrit par un scientologue ne peut figurer sur une étagère.

Dans la France des libertés, une circulaire, appelée « Prévention et lutte contre les dérives sectaires » publiée par le Ministère de l’Education Nationale le 22 mars 2012 et adressée aux autorités des écoles primaires et secondaires, dit que le personnel de l’Education Nationale (professeurs, directeurs etc.) a le devoir de repérer tous les enfants et les familles suspectées de « dérives sectaires », dû à leur appartenance à certaines croyances religieuses ou visions du monde, et de les signaler à des unités spéciales créées pour « collecter, élaborer et évaluer les circonstances alarmantes » (CRIP) dans chaque département, ou au Procureur de la République.

Pour ces raisons et pour beaucoup d’autres, je ne suis pas avec Charlie ni avec la France, car je sais déjà que tout ce qui est arrivé en France n’a pas servi de leçon et le Premier ministre continuera à financer des organisations privées telles que la Fecris et des institutions telles que la Miviludes qui depuis des années poursuivent les groupes catalogués de « sectes » en dépit de la demande expresse du Conseil de l’Europe de ne pas utiliser ce mot dont le seul but est de stigmatiser les minorités religieuses et spirituelles.

Je ne suis pas avec la France qui considère comme dangereuses des minorités religieuses pacifiques utilisant des médecines alternatives, parce qu'elles s’opposent aux lobbys pharmaceutiques qui influencent les décisions du gouvernement français.

Je ne suis pas avec la France car Hollande, tout en déclarant à la télé que des fonds pour lutter contre les groupes armés criminels, apparemment peu inquiétés dans le pays, sont insuffisants, continue à financer des groupes privés et des commissions parlementaires créées ad hoc pour lutter contre des ennemis imaginaires tels que les « sectes » sans que personne ne sache ce qu’elles sont ni comment elles peuvent être différentes des autres « religions ».

Si c’est cela la France des libertés, je ne suis pas avec la France.

Dire cela aujourd’hui n’est pas politiquement correct, mais je crois que, si nous voulons vraiment honorer les victimes innocentes et agir contre les criminels, quelle que soit leur couleur, leur religion ou nationalité, nous devons d’abord être honnêtes et dire la vérité. Ces autres victimes continuellement sacrifiées sur l’autel des médias et de la propagande politique qui, ces jours-ci, nous submerge de mots vides de sens mais « intéressés ».

Si les citoyens de l’Europe ne reconstruisent pas une Europe sur les fondements de valeurs inaliénables et sur les droits de l’individu, les manifestations et les marches ne seront que des gestes vides et sans valeur, tandis que les nouveaux racistes et les « anti-tous-ceux-qui-ne-pensent-pas-comme moi » trouveront des supports comme cela s’est produit dans le passé. Nous connaissons déjà l’épilogue, mais il semble que nous, Européens, aimons répéter les mêmes erreurs du passé, simplement en changeant de cible - hier les hébreux, aujourd’hui les musulmans ou les « sectes » ou n’importe quel individu mal vu par les gens qui semblent avoir plus de pouvoir qu'ils n'en ont.

SOURCE FOB

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