CAP
LC 2008
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Face aux kamikazes du 13 novembre, il nous est nécessaire de nous interroger sur la façon dont «la pulsion de mort» remplace le besoin de croire, conduisant certains jeunes à une «déliaison» puis à une radicalisation. La guerre est en France, mais contre qui les Français sont-ils en guerre? Face aux prétentions totalitaires du djihadisme sanguinaire, un nous est en train de rassembler les «enfants de la Patrie» autour de La Marseillaise. Un nous debout contre une nouvelle version du nihilisme dont la brutalité et lampleur sont sans précédent en France. Le «mal radical» et la «pulsion de mort», portés par les prouesses techniques de lhyperconnexion, défient les Lumières qui les avaient sous-estimés en sefforçant, depuis plus de deux siècles, de rompre le fil avec la tradition religieuse pour fonder les valeurs dune morale universelle. Quest-ce que ce «mal radical»? Emmanuel Kant avait employé lexpression pour nommer le désastre de certains humains qui considèrent dautres humains superflus, et les exterminent froidement. Hannah Arendt avait dénoncé ce mal absolu dans la Shoah. Pourquoi «la pulsion de mort» remplace-t-elle le besoin pré-religieux, anthropologique de croire chez les adolescents quon dit «fragiles»? Aujourdhui, les adolescents de nos quartiers, issus pour moitié de familles musulmanes et pour moitié de familles chrétiennes, juives ou sans religion, savèrent être le maillon faible où se délite, en abîme du pacte social, le lien hominien lui-même. Face au choc des tueries à Charlie Hebdo et à
lHyper Cacher et, plus fortement encore, face aux kamikazes du 13 novembre,
il est possible danalyser des causes géopolitiques et théologiques:
la responsabilité du post-colonialisme; les failles de lintégration
et de la scolarisation; la faiblesse de «nos valeurs», qui gèrent
la globalisation à coups de pétrodollars appuyés sur
des frappes chirurgicales; le rétrécissement du politique en
serviteur de léconomie par une juridiction plus ou moins soft
ou hard; les discours appelant à la «guerre sainte» mais
aussi prétendument «quiétistes» qui se contentent,
paraît-il, de dresser humblement la listes de nos «impuretés»
et, ce faisant, désignent implicitement tout «infidèle»
ou «mécréant» à la vindicte des «purs»
Mais une nouvelle urgence simpose: la séduction que les religions
exercent sur les personnes et les communautés humaines, ainsi que leur
rôle de consolateur, éducateur, régulateur et manipulateur
des angoisses et des destructivités, attendent dêtre élucidés. Besoin de croire et désir de savoir Plus précise que la philosophie, et en prise clinique immédiate avec lexpérience singulière, cest la psychanalyse freudienne qui, depuis seulement cent cinquante ans, aborde lhéritage religieux avec cette ambition. Difficilement, à travers avancées et errances, adulée ou honnie, la psychanalyse a su reprendre linvestigation du «besoin de croire» et du «désir de savoir», pour sonder les nouvelles maladies de lâme et les nouveaux messagers du nihilisme. Jentends leffroi de cette passante qui dépose des fleurs au Bataclan et interroge le micro tendu: «Comment peut-on être djihadiste? Quels sont leurs états dâme? Peut-on faire quelque chose?» Ces dimensions de létat de guerre ne sont pas secondaires. Elles participent de son volet préventif: en amont des mesures punitives, sécuritaires ou militaires, il ne suffit pas de repérer comment procèdent les djihadistes pour recruter leurs exécuteurs. Il importe daccompagner les candidats au djihad en voie de radicalisation, avant quils ne rejoignent les camps de Daech pour revenir en kamikazes ou, éventuellement, en repentis plus ou moins sincères. Article de Julia Kristeva, psychanalyste et écrivaine. Article complet:
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