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CAP LIBERTE DE CONSCIENCE
Communiqué de presse août 2015

Le commerce juteux des “sorties de secte” : condamnation d’un avocat bordelais

Source : Sapentia Jean Langlais

 

Maitre Daniel Picotin, avocat bordelais, se présente comme le spécialiste français de « l’exit counseling », ou « exfiltration de secte », une méthode issue du controversé « déprogramming » aujourd’hui décrié pour son recours au kidnapping afin de faire renoncer des membres de « sectes » à leur engagement « sectaire ». L’« exit counseling » fait intervenir une équipe « pluridisciplinaire », psychologues, psychiatres, détectives privés, etc., sous l’égide de l’avocat dans le but d’« exfiltrer » une personne d’un mouvement que la famille de la personne, ou l’avocat, pense être sectaire, et cela même si la personne en question soutient y adhérer de son plein gré. Daniel Picotin est aussi président du CCMM Aquitaine (Centre Contre les Manipulations Mentales), une association membre de la FECRIS (Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur le Sectarisme)[1].

Le 5 mai 2015, la Cour d’appel de Bordeaux a rendu une intéressante décision à son encontre [2]. Un couple avait fait appel à lui afin d’obtenir un droit de visite auprès de leur petite fille, alors qu’ils considéraient que leur fils, le père de l’enfant, était sous l’emprise d’une secte. L’avocat leur conseilla d’avoir plutôt recours à son dada, l’exit counseling. Il leur fit verser une provision de 25 000 euro pour cela.

Au bout d’un an, il déclare sa mission terminée, et rend 6755 euro aux parents, qui ont donc été facturés plus de 18 000 euro par le cabinet Picotin.

Le couple conteste la facture, estimant qu’elle est démesurée par rapport au travail accompli, et porte l’affaire devant le bâtonnier. Celui-ci donne raison à Daniel Picotin, et les clients mécontents font appel de cette décision devant la Cour d’Appel de Bordeaux.

Du coup, Daniel Picotin a du tenter de se justifier devant la Cour. Pour cela, il a soutenu que ses honoraires personnels se limitaient à 7000 euro, les 11 244 euro restant étant des refacturations de ce qu’il avait prétendument versé à des prestataires de son « équipe pluridisciplinaire ». Malheureusement pour lui, après avoir établi que l’avocat n’avait en fait travaillé que pour la somme de 2720 euro (et non 7000 comme prétendu) la justice a voulu regarder ces factures de prétendus prestataires de plus près et en a tiré de fâcheuses conclusions :

Sans que ses clients ne le sachent, Daniel Picotin prétend les avoir préalablement facturés pour financer leur adhésion à la SFRAEM (Société Française de Recherche et d’Analyse de l’Emprise Mentale). Sauf que le juge fait remarquer que ces frais pour la prétendue adhésion à cette association, qui en fait a été fondée par Daniel Picotin lui-même, auraient été récoltés en deux fois, 100 euro puis 350 euro, qu’il n’existe pas de bulletin d’adhésion pour les époux, et surtout qu’il n’y a aucune preuve que Daniel Picotin ait versé effectivement l’argent à ladite SFRAEM. (extrait de la décision : « En effet, on ne voit pas pourquoi lors d'un premier contact le conseil ferait immédiatement adhérer ses clients à une association qui s'occupe d'emprise mentale, on ne comprend pas pourquoi l'adhésion se ferait en deux fois (100 euro et 350 euro) et, par ailleurs, le conseil ne justifie, ni du montant des cotisations d'adhésion de cette association, ni du bulletin d'adhésion, ni même et surtout du reversement de ces 'cotisations' à l'association ».)

Daniel Picotin a présenté ensuite trois factures de l’association SFRAEM (dont il est le fondateur) pour un montant total de 5000 euro. Le juge fait remarquer que les prestations sont facturées sans le moindre justificatif, et que rien ne les rattache au dossier des époux plaignants.

A noter que l’une des prestations facturées aurait en fait financé la venue d’un « consultant international » à Bordeaux, sans que les époux n’en sachent rien. Ce consultant n’est autre que l’américain Steven Hassan, défenseur ardent du déprogramming [3], méthode violente incluant le kidnapping pour laquelle plusieurs condamnations ont été prononcées aux Etats-Unis et en Europe.

L’argent du couple a aussi servi à organiser un colloque sans qu’ils en soient avertis, et sans que rien ne prouve que le colloque ait eu un quelconque lien avec leur affaire. Bien entendu, cette organisation de colloque incluait les frais de bouche.

Daniel Picotin a produit des factures d’un détective privé pour lesquelles rien n’établit le lien avec l’affaire du couple, et sans aucun justificatif.

L’avocat bordelais a aussi produit des factures de frais d’hôtel sans qu’aucun lien ne puisse être établi entre ces frais et l’affaire en question.

Daniel Picotin a présenté trois factures de psychologues, dont l’une a été établie sans qu’on sache « dans quel cadre cette facture est émise (pas d’adresse, pas de n° Siret ou équivalent) » et « n’est pas détaillée », une autre de 520 euro pour « lecture et synthèse des blogs et tentatives de prise de contact »[4] , puis une troisième de la même psychologue pour « forfait dossier », pour 575 euro ne correspondant à aucune prestation.

Devant une telle incurie (au moins !), sans pouvoir à ce stade juger des pratiques d’exit counseling de Daniel Picotin puisqu’uniquement saisi comme juge de l’honoraire, le juge a décidé que les honoraires de l’avocat devaient être ramenés de 17 944 euro à 3740 euro, et qu’ainsi il devait restituer 14 204 euro à ses anciens clients. Le juge a aussi condamné Maitre Daniel Picotin à verser 1500 euros aux époux pour les frais liés au procès ainsi qu’à payer les entiers dépens.

Nous ne savons pas si Maitre Picotin s’est pourvu en cassation.

[1] Le livre "A Case Study: Fecris", publié par l'Université de Dresde et Lit Verlag (ISBN 978-3-643-99894-1), révèle que plusieurs représentants d'associations membres de la FECRIS ont été condamnés pour divers délits en Europe.

[2] Ordonnance du 5 Mai 2015, Cour d’Appel de Bordeaux, N°14/05255

[3] Dans une déclaration sous serment (affidavit) devant le juge, Arthur Roselle, banquier, a décrit les sévices qu’il dit avoir subies pendant un déprogramming conduit par Steven Hassan : violences, séquestration (attaché mains et pieds à un lit pendant plusieurs jours), privation de sommeil, insultes répétées, menaces… Steven Hassan a toujours nié avoir pratiqué des sévices à son encontre, mais dans une déclaration sous serment ultérieure, la mère de Arthur Roselle, venant, au cours d’un procès contre Steven Hassan, prendre sa défense (c’est elle qui l’avait engagé à l’époque pour déprogrammer son fils), a reconnu qu’ils avaient dû, avec l’aide de Steven Hassan, lier de force les mains et les jambes d’Arthur Roselle et l’attacher à un lit pendant 2 jours.

[4] Phrases entre guillemets extraites de l’ordonnance du 5 Mai 2015, Cour d’Appel de Bordeaux, N°14/05255

Source : Sapentia

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