CAP
LC 2008
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ENQUÊTES |
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Liberté,
égalité, frères et surs En mars de cette année, Sophie Coignard, co-auteure de lOmerta et auteure de La Vendetta Française, a signé un nouveau livre, cette fois-ci entièrement consacré à linfluence de la Franc-maçonnerie dans la vie politique française. Pour paraphraser le titre dun autre livre, on se demande à la lumière des différents types dinterférence mentionnés sil ne sagit pas dune « secte au cur de la République ». Nous parlons de LA République bien sûr, la République française, car le problème traité par le livre est tout à fait spécifique à la France où la Franc-maçonnerie tient une place tout à fait exceptionnelle. Le contenu de ce livre intéresse tout à fait ceux qui se battent pour la liberté de conscience en France. Secrets et chuchotements Lauteure insiste beaucoup dès le départ sur ce fameux culte du secret (ou secret du culte ?), secret sur lappartenance et secret sur le contenu des réunions. Lauteure samuse des réponses aux questions directes, style « je ne le suis pas mais jai des amis francs-maçons », ou mieux, « si je létais, je ne vous le dirais pas » ! Signes que linterlocuteur est probablement initié, tout autant que les commentaires « La Franc-maçonnerie, comment cela peut-il encore intéresser ? », autre signe dappartenance. Sa conclusion, au vu des avantages et inconvénients liés à ce secret, cest que le secret a aidé beaucoup plus de carrières quil na causé de tort à ses membres. Une minorité des Francs-maçons plaide dailleurs pour la transparence, pour couper court à toutes les rumeurs, sans succès. Lauteure conteste la revendication « au secret de la vie privée », quand cette appartenance prétendue « privée » a justement de telles répercussions sur la vie publique, jusquau plus haut niveau. Au tribunal, la justice française a pourtant toujours condamné les révélations concernant lappartenance de telle ou telle personne à la FM étant fortement concernée elle-même. Lauteure samuse également des marques de reconnaissance, visant à quoi au fait ? Sinon à influencer les décisions de son interlocuteur par une interférence « transversale ». Ainsi, on cite tel candidat à une haute fonction de lAssemblée qui « gratouillait » le poignet de ses interlocuteurs à longueur de journée (façon distinctive de se serrer la main des Francs-maçons) afin de se ménager les suffrages Francs-maçons, et qui fut élu contre toute attente. Tel candidat en campagne pour la Présidence de la République qui se met tout dun coup à signer de la marque des trois points sur tous ses courriers, conscient de linfluence des francs-maçons, alors que le plus grand doute existe sur son initiation réelle. Une implantation en hausse On y apprend que chaque chef dEtat français ou même ministre doit sentourer de « relais » francs-maçons pour huiler les rouages de la République, que tous lont fait, et que le Président de la République actuel néchappe pas à cette règle, étant entourés de nombreux francs-maçons, tout comme il létait dans les Hauts de Seine, à Neuilly et au Ministère de lIntérieur ! Un frère de haut rang dira même à propos de lélection présidentielle de 2007 que « cest la première fois dans lhistoire de la Vè République que les deux principaux candidats comptent autant de Francs-maçons dans leur entourage le plus proche. » La FM nest donc pas du tout en perte de vitesse comme certains de leurs membres aiment à le dire pour brouiller les cartes, dailleurs le nombre de ses membres a littéralement explosé depuis une dizaine dannées. Il existe même actuellement une rivalité entre les trois principales loges : Grand Orient, Grande Loge de France et Grande Loge Nationale Française, cette dernière, plutôt de droite, étant en train de tailler des croupières à coup de marketing agressif au Grand Orient, traditionnellement majoritaire en France. Les loges françaises recrutent chaque année 5000 nouveaux frères, et leur nombre de membres à jour de cotisation sélève à 150 000 en 2009, auquel il faut ajouter 150 000 anciens membres qui ont « reçu la lumière ». Dans la pratique, il est presque aussi utile dêtre ancien franc-maçon que maçon « à jour ». De nombreux anciens maçons, style « vous savez, cest de lhistoire ancienne », sont toujours branchés sur le réseau, et jouent plus que jamais de leurs liens. Une gestion des carrières très particulière Sur le plan de laction publique, au vu des exemples
donnés, on a tout de même limpression que les quelques
apports historiques à la vie législative (loi sur lavortement,
statut des homosexuels, loi sur le voile, etc.) pèsent peu face
à lomniprésence de la cooptation, que ce soit au
niveau politique (implantation de nouveaux candidats, choix des collaborateurs),
au niveau administratif (nominations de fonctionnaires), ou même
économique (entreprises nationalisées ou même privées).
Ainsi, certaines entreprises telles que EDF, les Postes, les mutuelles,
les grandes banques française, lInspection Générale
des services judiciaires, la Cour de Cassation (!!), dans lesquelles
un dirigeant franc-maçon prend la succession du précédent
franc-maçon. Ce sont là de véritables bastions
de la Franc-maçonnerie, de véritables « bantoustans
maçonniques » selon lexpression consacrée
quand il sagit de la Française des Jeux ou du PMU. Lors
de nominations de postes de hauts fonctionnaires, les ministres ou Premier
ministres sont couramment assaillis de coups de fils de telle ou telle
obédience voulant placer son poulain, ce qui a fait dire au Premier
Ministre Jean-Pierre Raffarin, après une épuisante semaine
de harcèlement, quil ne croyait pas que les frères
étaient si puissants. Quand au Ministère de lIntérieur,
il serait selon lauteure le « cur de cet Etat dans
lEtat », ce qui aurait sans doute fait dire à Nicolas
Sarkozy, alors Ministre de lIntérieur, aux représentants
des obédiences invités à dîner : «
La Franc-maçonnerie est ici chez elle
». Côté carrières, on pourrait citer le secteur de la justice, de la police, de la recherche (peu évoquée par lauteure mais souvent cité par les chercheurs français). Tous les protagonistes le disent en privé, lappartenance à une obédience est un plus pour se faire recruter dans tel ou tel secteur administratif ou économique -, car elle garantit que lintéressé pourra exercer une certaine influence. Cela pourrait même procurer dans certains cas une voiture de service de catégorie supérieure par rapport à la fonction exercée (un indice dappartenance pour certains). Certains désignent même lappartenance comme un « accélérateur de carrière ». Certains directeurs avouent également que : « A compétences égales, je choisis un maçon ». Certes, tous les maçons ne jouent pas de cette influence, et tous ne sont pas concernés selon leur profession, mais ce phénomène est largement répandu, et fort inquiétant pour la démocratie et légalité des chances avouons-le. Des influences envahissantes Pour les non maçons, cela complique un peu le travail, et certains juges affirment quil ne faut accorder sa confiance à personne au sein de son corps comme de son équipe, du fait de la forte implantation en milieu judiciaire. Y a-t-il conflit dintérêt ? Cest ce qua affirmé un Commissaire téméraire, le commissaire Demoly, évoquant la proportion de 25 à 50% de commissaires francs-maçons, qui, selon lui soppose à une instruction sereine des plaintes. Quand aux maires et élus locaux francs-maçons, ils seraient tout à fait intéressés à ce que de grandes entreprises restent « dans le giron », ce qui simplifie les contrats locaux et autres arrangements. La justice en France est de façon notoire un lieu de conflits dintérêts, la France étant lun des rares pays occidentaux à ne pas respecter le principe de la séparation des pouvoirs et à subordonner le pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Dans son autre livre lOmerta, Sophie Coignard donnait de nombreux exemples concrets des interférences possibles de lexécutif sur les affaires sensibles. Ce nouveau livre cite ici le cas de ce commissaire Franc-maçon honnête qui a dénoncé des faits de corruption dont il a été témoin dans un restaurant parisien lieu de rencontre habituel des frères à la suite de quoi il a dénoncé un autre frère. Manque de chance, le procureur et la juge saisis de laffaires sont tous deux également FM : il sera suspendu de ses fonctions sans traitement pendant 3 ans ! Au-delà du simple « secret » ou « devoir dentraide », il y a donc pression ou rétorsion dans certains cas pour couvrir les manquements des frères. Mais la question est : étant donné les pouvoirs de sanction de carrière dont dispose le gouvernement, jusquoù va-t-on quand le (ou la) Garde des Sceaux appartient en personne à la Franc-maçonnerie ? Ce nest pas un cas décole. Fraternité : loverdose Mais il y a surtout les fraternelles. Tout nirait pas trop mal disent certains, sans les fraternelles, véritables regroupements professionnels cuméniques, toutes obédience confondues. Cette institution permet certes aux frères de briser linterdiction de se fréquenter entre obédiences, mais cest surtout le lieu de contacts et de projets de tous ordres. A côté des fraternelles parlementaires, ou « Afrique », on trouve les fraternelles de limmobilier, de linspection judiciaire, de la SNCF et de la RATP, la plus importante étant celle de lEducation Nationale. Avec ces véritables hiérarchies parallèles, il nest pas facile détablir une « gouvernance » transparente. LAfrique francophone est un lieu de prosélytisme international de la Franc-maçonnerie à la française, et de nombreux chef dEtat et leurs ministres sont des initiés de haut rang, souvent « grand-maîtres ». Aux dires du livre, cela ne dérange pas les responsables français de compter certains dictateurs dans leurs rangs, ils en seraient même « honorés ». Au final, lauteure se demande si cette institution est bien compatible avec la démocratie ? Ce secret défendu avec tant dardeur faisant finalement le plus grand tort à la Franc-maçonnerie qui est soupçonnée dinfluence et subit les rumeurs. Enfin Nicolas Sarkozy aurait déclaré place Beauvau que bien peu de familles de pensée sidentifiaient si bien à La République. Mais au-delà de quelques lois emblématiques dont ils revendiquent la paternité, quelle est linfluence au quotidien sur lapplication de la devise Liberté, Egalité, Fraternité ? Et la lutte anti-sectes ? La structure et linfluence de la Franc-maçonnerie française intéressent tous ceux qui se préoccupent de la liberté de conviction et de pratiques, dans la mesure où, il faut bien le reconnaître, toutes les initiatives (associations, législation, comités divers) des campagnes « anti-sectes » récentes sont impulsées ou largement appuyées par des Francs-maçons : commissions parlementaires, présidents du Ccmm et de lUnadfi, Miviludes, propositions de lois, associations telles « Attention enfants », on trouve des francs-maçons à tous les étages de ces campagnes. Fait encore plus extraordinaire, la Grande Loge de France annonçait dans sa revue de février 2007 que, contrairement aux principales obédiences (sic), la Grande loge de France nétait jusque-là pas représentée au sein de la Miviludes. Ce serait chose faite avec la nomination récente de trois « conseillers fédéraux » maison au sein de cet organisme. Leur mission : surveiller et empêcher toute dérive sectaire au sein des loges. Discours révélateur de lutilisation courante des institutions officielles à des fins particulières, et du sentiment que la République « appartient » aux frères et quelle est leur instrument. Les loges sont dailleurs parfois directement liées avec les associations anti-sectes et les invitent lors de leurs réunions pour des « exposés » sur le sujet. Or certaines loges soccupent plus de spiritualité que de politique, et certains frères napprécient pas cette intrusion et cet appui aux Adfi. Un membre dune obédience minoritaire membre dune structure cuménique regroupant plusieurs obédiences, lIderm, fut même radié de cette structure il est vrai parrainée par le Grand Orient - pour « incompatibilité avec les idéaux maçonniques », ayant publiquement pris position contre les campagnes anti-sectes. Cette radiation fut ensuite annulée en 2007 par le Tribunal (civil) pour procédure abusive. Pour se convaincre que limplication de beaucoup de maçons dans ces campagnes nest pas un fantasme, il suffit dailleurs de consulter le site web du Grand Orient. Le 21 février 2008, dans un communiqué officiel, « le Grand Orient de France s'insurge contre les propos qu'aurait tenus Emmanuelle MIGNON, en qualité de Directrice de Cabinet du Président de la République, dans un entretien publié le mercredi 19 février par l'hebdomadaire VSD. Madame Emmanuelle MIGNON considèrerait que les sectes ne sont pas un problème ». Elle mettrait également en cause la liste établie par la Commission Parlementaire d'enquête sur les sectes en 1995 qu'elle considère comme " scandaleuse ". Elle préciserait : " La lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets ». On le sent, cest lhorreur absolue ! Le communiqué du Grand Orient réaffirme que la liste parlementaire de 1995 des mouvements sectaires pardon, de « sectes », seul ce mot désormais banni du discours officiel est répété à lenvie est valide, considère que ces 173 mouvements (probablement 600 aujourdhui) sont évidemment coupables (présomption de culpabilité automatique) et quil faut leur interdire la liberté dexpression, rien de moins. Les Francs-maçons du Grand Orient de France précisent quils naccepteront aucune évolution de ce statut de présumé coupable. Voilà qui est clair. Ce communiqué signe par là la paternité de cette fameuse liste parlementaire de 1995, car comment pourraient-ils connaître les détails des documents qui ont permis détablir cette liste, sinon en les ayant fournis eux-mêmes. Certes, peut-être pas directement, mais les Renseignements Généraux qui avaient été mis à contribution pour cette liste sont très liés aux frères, selon une véritable osmose. La plupart des observateurs ont reconnu linanité et le peu de sérieux de cette liste de 1995 concoctée en vitesse (5 mn dexamen au mieux par mouvement cité !) et il est particulièrement osé en 2008 de continuer à défendre cette liste. Faut-il sindigner de cette prise de position à diffusion plutôt « confidentielle » ? Après tout ce ne sont que des idées. Certainement. Tout dabord, le gouvernement a bel et bien reculé à la suite de cette offensive répercutée dans les médias ; cela laisse entrevoir le climat de terrorisme intellectuel qui fait que nombre dhommes politiques, bien que persuadés du « non-problème » des sectes, se taisent cependant pour ne pas mettre leur carrière en péril. Plus que la sanction des électeurs, ce sont les effets adverses du milieu politique et ses cercles dinfluence quils redoutent. Et puis, cette croisade idéologique peut parfois être lobjet de travaux pratiques inquiétants et dévastateurs. Nous avons mentionné le cas redoutable où le Garde des Sceaux fait partie de la grande maison tendance laïque et confond cette position extrémiste avec la pratique de la République. Ainsi, à la fin des années 1990, la Garde des Sceaux, rompant avec la nécessaire réserve et obligation dimpartialité liée à la fonction, reprend intégralement à son compte ce discours, se lance dans une « lutte contre les sectes » avec tambours et trompettes et annonce fièrement initier ou appuyer près de 150 procédures pénales contre lesdits mouvements, dans le but avoué de les faire condamner (présomption de culpabilité donc, un peu ahurissante dans la bouche du Garde des Sceaux). Il ne faisait aucun doute à ce moment que la vision du Grand Orient, peu démocratique et peu respectueuse de lindépendance de la justice dans ce cas, se confondait avec la vision de la République. Est-ce que cette situation est spécifique à la France ? Apparemment oui, encore que lon en trouve des réminiscences en Belgique. La politique en la matière semble emboîter le pas à la France, et certains font remarquer que le président dune commission parlementaire Belge de 1996 sur le sujet ainsi que ses deux rapporteurs étaient francs-maçons, de même que le président et le directeur du CIAOSN (organisme jumeau de la Miviludes pour la Belgique) qui sont également Francs-maçons. Similitudes donc. Conclusion Comment expliquer une telle implication de certaines obédiences ? Bien sûr, certaines ont fait de la « laïcité » un combat, mais ce combat pour la laïcité sapparente plutôt à une lutte pure et simple contre dautres mouvements dont il faut bien reconnaître quils pourraient être des concurrents. A bien y regarder, les similitudes entre la Franc-maçonnerie et les groupes que certains francs-maçons se croient autorisés à attaquer sont multiples, sauf que lesdits concurrents ont en général peu de visées directement politiques et carriéristes. Selon un mécanisme psychologique bien connu, certains francs-maçons prêtent probablement à leurs supposés concurrents les mêmes mobiles et pratiques qui sont les leurs. Il est vrai que si la franc-maçonnerie se trouvait confrontée à une bonne dizaine de réseaux concurrents sur le territoire français, son charme et son attrait diminueraient fortement : plus dinfluence prépondérante sur les institutions, efficacité plus que mitigée pour les carrières, seuls resteraient les membres réellement intéressés par la seule recherche intellectuelle et spirituelle. Le monopole est donc essentiel à son influence et à son attrait. En tous cas, cette exception française des campagnes contre les sectes (inimaginables dans beaucoup dautres pays occidentaux) semble étroitement liée indissociable dirions-nous - à la forte influence de la Franc-maçonnerie au sein des institutions françaises. Non pas que tous les francs-maçons se sentent mobilisés, mais une minorité le sont sûrement. Malheureusement, cette petite minorité de gens convaincus peut de toute évidence utiliser cet immense levier de 150 000 décideurs PACSés pour démultiplier son action, selon les mécanismes vus plus haut, le réseau ne sy opposant pas ou le favorisant par « solidarité » et discipline : échanges de bons procédés, se monnayant sans doute par on ne sait quel soutien « fraternel » dans dautres lobbies, qui eux-mêmes . Gilles Carat Interview
de Sophie Coignard source dailymotion Sommaire des enquête
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