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CAP Liberté de Conscience - septembre 2009

 

 

Liberté, égalité, frères et sœurs
Par Gilles Carat

En mars de cette année, Sophie Coignard, co-auteure de l’Omerta et auteure de La Vendetta Française, a signé un nouveau livre, cette fois-ci entièrement consacré à l’influence de la Franc-maçonnerie dans la vie politique française. Pour paraphraser le titre d’un autre livre, on se demande à la lumière des différents types d’interférence mentionnés s’il ne s’agit pas d’une « secte au cœur de la République ». Nous parlons de LA République bien sûr, la République française, car le problème traité par le livre est tout à fait spécifique à la France où la Franc-maçonnerie tient une place tout à fait exceptionnelle. Le contenu de ce livre intéresse tout à fait ceux qui se battent pour la liberté de conscience en France. Secrets et chuchotements

L’auteure insiste beaucoup dès le départ sur ce fameux culte du secret (ou secret du culte ?), secret sur l’appartenance et secret sur le contenu des réunions. L’auteure s’amuse des réponses aux questions directes, style « je ne le suis pas mais j’ai des amis francs-maçons », ou mieux, « si je l’étais, je ne vous le dirais pas » ! Signes que l’interlocuteur est probablement initié, tout autant que les commentaires « La Franc-maçonnerie, comment cela peut-il encore intéresser ? », autre signe d’appartenance. Sa conclusion, au vu des avantages et inconvénients liés à ce secret, c’est que le secret a aidé beaucoup plus de carrières qu’il n’a causé de tort à ses membres. Une minorité des Francs-maçons plaide d’ailleurs pour la transparence, pour couper court à toutes les rumeurs, sans succès. L’auteure conteste la revendication « au secret de la vie privée », quand cette appartenance prétendue « privée » a justement de telles répercussions sur la vie publique, jusqu’au plus haut niveau. Au tribunal, la justice française a pourtant toujours condamné les révélations concernant l’appartenance de telle ou telle personne à la FM – étant fortement concernée elle-même.

L’auteure s’amuse également des marques de reconnaissance, visant … à quoi au fait ? Sinon à influencer les décisions de son interlocuteur par une interférence « transversale ». Ainsi, on cite tel candidat à une haute fonction de l’Assemblée qui « gratouillait » le poignet de ses interlocuteurs à longueur de journée (façon distinctive de se serrer la main des Francs-maçons) afin de se ménager les suffrages Francs-maçons, et qui fut élu contre toute attente. Tel candidat en campagne pour la Présidence de la République qui se met tout d’un coup à signer de la marque des trois points sur tous ses courriers, conscient de l’influence des francs-maçons, alors que le plus grand doute existe sur son initiation réelle.

Une implantation en hausse

On y apprend que chaque chef d’Etat français ou même ministre doit s’entourer de « relais » francs-maçons pour huiler les rouages de la République, que tous l’ont fait, et que le Président de la République actuel n’échappe pas à cette règle, étant entourés de nombreux francs-maçons, tout comme il l’était dans les Hauts de Seine, à Neuilly … et au Ministère de l’Intérieur ! Un frère de haut rang dira même à propos de l’élection présidentielle de 2007 que « c’est la première fois dans l’histoire de la Vè République que les deux principaux candidats comptent autant de Francs-maçons dans leur entourage le plus proche. »

La FM n’est donc pas du tout en perte de vitesse comme certains de leurs membres aiment à le dire pour brouiller les cartes, d’ailleurs le nombre de ses membres a littéralement explosé depuis une dizaine d’années. Il existe même actuellement une rivalité entre les trois principales loges : Grand Orient, Grande Loge de France et Grande Loge Nationale Française, cette dernière, plutôt de droite, étant en train de tailler des croupières à coup de marketing agressif au Grand Orient, traditionnellement majoritaire en France. Les loges françaises recrutent chaque année 5000 nouveaux frères, et leur nombre de membres à jour de cotisation s’élève à 150 000 en 2009, auquel il faut ajouter 150 000 anciens membres qui ont « reçu la lumière ». Dans la pratique, il est presque aussi utile d’être ancien franc-maçon que maçon « à jour ». De nombreux anciens maçons, style « vous savez, c’est de l’histoire ancienne », sont toujours branchés sur le réseau, et jouent plus que jamais de leurs liens.

Une gestion des carrières très particulière

Sur le plan de l’action publique, au vu des exemples donnés, on a tout de même l’impression que les quelques apports historiques à la vie législative (loi sur l’avortement, statut des homosexuels, loi sur le voile, etc.) pèsent peu face à l’omniprésence de la cooptation, que ce soit au niveau politique (implantation de nouveaux candidats, choix des collaborateurs), au niveau administratif (nominations de fonctionnaires), ou même économique (entreprises nationalisées ou même privées). Ainsi, certaines entreprises telles que EDF, les Postes, les mutuelles, les grandes banques française, l’Inspection Générale des services judiciaires, la Cour de Cassation (!!), dans lesquelles un dirigeant franc-maçon prend la succession du précédent… franc-maçon. Ce sont là de véritables bastions de la Franc-maçonnerie, de véritables « bantoustans maçonniques » selon l’expression consacrée quand il s’agit de la Française des Jeux ou du PMU. Lors de nominations de postes de hauts fonctionnaires, les ministres ou Premier ministres sont couramment assaillis de coups de fils de telle ou telle obédience voulant placer son poulain, ce qui a fait dire au Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, après une épuisante semaine de harcèlement, qu’il ne croyait pas que les frères étaient si puissants. Quand au Ministère de l’Intérieur, il serait selon l’auteure le « cœur de cet Etat dans l’Etat », ce qui aurait sans doute fait dire à Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, aux représentants des obédiences invités à dîner : « La Franc-maçonnerie est ici chez elle… ».

Côté carrières, on pourrait citer le secteur de la justice, de la police, de la recherche (peu évoquée par l’auteure mais souvent cité par les chercheurs français). Tous les protagonistes le disent en privé, l’appartenance à une obédience est un plus pour se faire recruter dans tel ou tel secteur – administratif ou économique -, car elle garantit que l’intéressé pourra exercer une certaine influence. Cela pourrait même procurer dans certains cas une voiture de service de catégorie supérieure par rapport à la fonction exercée (un indice d’appartenance pour certains). Certains désignent même l’appartenance comme un « accélérateur de carrière ». Certains directeurs avouent également que : « A compétences égales, je choisis un maçon ». Certes, tous les maçons ne jouent pas de cette influence, et tous ne sont pas concernés selon leur profession, mais ce phénomène est largement répandu, et fort inquiétant pour la démocratie et l’égalité des chances avouons-le.

Des influences envahissantes

Pour les non maçons, cela complique un peu le travail, et certains juges affirment qu’il ne faut accorder sa confiance à personne au sein de son corps comme de son équipe, du fait de la forte implantation en milieu judiciaire. Y a-t-il conflit d’intérêt ? C’est ce qu’a affirmé un Commissaire téméraire, le commissaire Demoly, évoquant la proportion de 25 à 50% de commissaires francs-maçons, qui, selon lui s’oppose à une instruction sereine des plaintes. Quand aux maires et élus locaux francs-maçons, ils seraient tout à fait intéressés à ce que de grandes entreprises restent « dans le giron », ce qui simplifie les contrats locaux et autres arrangements.

La justice en France est de façon notoire un lieu de conflits d’intérêts, la France étant l’un des rares pays occidentaux à ne pas respecter le principe de la séparation des pouvoirs et à subordonner le pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Dans son autre livre l’Omerta, Sophie Coignard donnait de nombreux exemples concrets des interférences possibles de l’exécutif sur les affaires sensibles. Ce nouveau livre cite ici le cas de ce commissaire Franc-maçon honnête qui a dénoncé des faits de corruption dont il a été témoin dans un restaurant parisien – lieu de rencontre habituel des frères – à la suite de quoi il a dénoncé un autre frère. Manque de chance, le procureur et la juge saisis de l’affaires sont tous deux également FM : il sera suspendu de ses fonctions sans traitement pendant 3 ans ! Au-delà du simple « secret » ou « devoir d’entraide », il y a donc pression ou rétorsion dans certains cas pour couvrir les manquements des frères. Mais la question est : étant donné les pouvoirs de sanction de carrière dont dispose le gouvernement, jusqu’où va-t-on quand le (ou la) Garde des Sceaux appartient en personne à la Franc-maçonnerie ? Ce n’est pas un cas d’école.

Fraternité : l’overdose

Mais il y a surtout les fraternelles. Tout n’irait pas trop mal disent certains, sans les fraternelles, véritables regroupements professionnels œcuméniques, toutes obédience confondues. Cette institution permet certes aux frères de briser l’interdiction de se fréquenter entre obédiences, mais c’est surtout le lieu de contacts et de projets de tous ordres. A côté des fraternelles parlementaires, ou « Afrique », on trouve les fraternelles de l’immobilier, de l’inspection judiciaire, de la SNCF et de la RATP, la plus importante étant celle de l’Education Nationale. Avec ces véritables hiérarchies parallèles, il n’est pas facile d’établir une « gouvernance » transparente.

L’Afrique francophone est un lieu de prosélytisme international de la Franc-maçonnerie à la française, et de nombreux chef d’Etat et leurs ministres sont des initiés de haut rang, souvent « grand-maîtres ». Aux dires du livre, cela ne dérange pas les responsables français de compter certains dictateurs dans leurs rangs, ils en seraient même « honorés ». Au final, l’auteure se demande si cette institution est bien compatible avec la démocratie ? Ce secret défendu avec tant d’ardeur faisant finalement le plus grand tort à la Franc-maçonnerie qui est soupçonnée d’influence et subit les rumeurs.

Enfin Nicolas Sarkozy aurait déclaré place Beauvau que bien peu de familles de pensée s’identifiaient si bien à La République. Mais au-delà de quelques lois emblématiques dont ils revendiquent la paternité, quelle est l’influence au quotidien sur l’application de la devise Liberté, Egalité, Fraternité ?

Et la lutte anti-sectes ?

La structure et l’influence de la Franc-maçonnerie française intéressent tous ceux qui se préoccupent de la liberté de conviction et de pratiques, dans la mesure où, il faut bien le reconnaître, toutes les initiatives (associations, législation, comités divers) des campagnes « anti-sectes » récentes sont impulsées ou largement appuyées par des Francs-maçons : commissions parlementaires, présidents du Ccmm et de l’Unadfi, Miviludes, propositions de lois, associations telles « Attention enfants », on trouve des francs-maçons à tous les étages de ces campagnes.

Fait encore plus extraordinaire, la Grande Loge de France annonçait dans sa revue de février 2007 que, contrairement aux principales obédiences (sic), la Grande loge de France n’était jusque-là pas représentée au sein de la Miviludes. Ce serait chose faite avec la nomination récente de trois « conseillers fédéraux » maison au sein de cet organisme. Leur mission : surveiller et empêcher toute dérive sectaire au sein des loges. Discours révélateur de l’utilisation courante des institutions officielles à des fins particulières, et du sentiment que la République « appartient » aux frères et qu’elle est leur instrument.

Les loges sont d’ailleurs parfois directement liées avec les associations anti-sectes et les invitent lors de leurs réunions pour des « exposés » sur le sujet. Or certaines loges s’occupent plus de spiritualité que de politique, et certains frères n’apprécient pas cette intrusion et cet appui aux Adfi. Un membre d’une obédience minoritaire membre d’une structure œcuménique regroupant plusieurs obédiences, l’Iderm, fut même radié de cette structure – il est vrai parrainée par le Grand Orient - pour « incompatibilité avec les idéaux maçonniques », ayant publiquement pris position contre les campagnes anti-sectes. Cette radiation fut ensuite annulée en 2007 par le Tribunal (civil) pour procédure abusive.

Pour se convaincre que l’implication de beaucoup de maçons dans ces campagnes n’est pas un fantasme, il suffit d’ailleurs de consulter le site web du Grand Orient. Le 21 février 2008, dans un communiqué officiel, « le Grand Orient de France s'insurge contre les propos qu'aurait tenus Emmanuelle MIGNON, en qualité de Directrice de Cabinet du Président de la République, dans un entretien publié le mercredi 19 février par l'hebdomadaire VSD. Madame Emmanuelle MIGNON considèrerait que ‘les sectes ne sont pas un problème’ ».

Elle mettrait également en cause la liste établie par la Commission Parlementaire d'enquête sur les sectes en 1995 qu'elle considère comme " scandaleuse ". Elle préciserait : " La lutte contre les sectes a longtemps permis de dissimuler les vrais sujets ».

On le sent, c’est l’horreur absolue ! Le communiqué du Grand Orient réaffirme que la liste parlementaire de 1995 des mouvements sectaires – pardon, de « sectes », seul ce mot désormais banni du discours officiel est répété à l’envie – est valide, considère que ces 173 mouvements (probablement 600 aujourd’hui) sont évidemment coupables (présomption de culpabilité automatique) et qu’il faut leur interdire la liberté d’expression, rien de moins. Les Francs-maçons du Grand Orient de France précisent qu’ils n’accepteront aucune évolution de ce statut de présumé coupable. Voilà qui est clair. Ce communiqué signe par là la paternité de cette fameuse liste parlementaire de 1995, car comment pourraient-ils connaître les détails des documents qui ont permis d’établir cette liste, sinon en les ayant fournis eux-mêmes. Certes, peut-être pas directement, mais les Renseignements Généraux qui avaient été mis à contribution pour cette liste sont très liés aux frères, selon une véritable osmose. La plupart des observateurs ont reconnu l’inanité et le peu de sérieux de cette liste de 1995 concoctée en vitesse (5 mn d’examen au mieux par mouvement cité !) et il est particulièrement osé en 2008 de continuer à défendre cette liste.

Faut-il s’indigner de cette prise de position à diffusion plutôt « confidentielle » ? Après tout ce ne sont que des idées. Certainement. Tout d’abord, le gouvernement a bel et bien reculé à la suite de cette offensive répercutée dans les médias ; cela laisse entrevoir le climat de terrorisme intellectuel qui fait que nombre d’hommes politiques, bien que persuadés du « non-problème » des sectes, se taisent cependant pour ne pas mettre leur carrière en péril. Plus que la sanction des électeurs, ce sont les effets adverses du milieu politique et ses cercles d’influence qu’ils redoutent.

Et puis, cette croisade idéologique peut parfois être l’objet de travaux pratiques inquiétants et dévastateurs. Nous avons mentionné le cas redoutable où le Garde des Sceaux fait partie de la grande maison – tendance laïque – et confond cette position extrémiste avec la pratique de la République. Ainsi, à la fin des années 1990, la Garde des Sceaux, rompant avec la nécessaire réserve et obligation d’impartialité liée à la fonction, reprend intégralement à son compte ce discours, se lance dans une « lutte contre les sectes » avec tambours et trompettes et annonce fièrement initier ou appuyer près de 150 procédures pénales contre lesdits mouvements, dans le but avoué de les faire condamner (présomption de culpabilité donc, un peu ahurissante dans la bouche du Garde des Sceaux). Il ne faisait aucun doute à ce moment que la vision du Grand Orient, peu démocratique et peu respectueuse de l’indépendance de la justice dans ce cas, se confondait avec la vision de la République.

Est-ce que cette situation est spécifique à la France ? Apparemment oui, encore que l’on en trouve des réminiscences en Belgique. La politique en la matière semble emboîter le pas à la France, et certains font remarquer que le président d’une commission parlementaire Belge de 1996 sur le sujet ainsi que ses deux rapporteurs étaient francs-maçons, de même que le président et le directeur du CIAOSN (organisme jumeau de la Miviludes pour la Belgique) qui sont également Francs-maçons. Similitudes donc.

Conclusion

Comment expliquer une telle implication de certaines obédiences ? Bien sûr, certaines ont fait de la « laïcité » un combat, mais ce combat pour la laïcité s’apparente plutôt à une lutte pure et simple contre d’autres mouvements dont il faut bien reconnaître qu’ils pourraient être des concurrents. A bien y regarder, les similitudes entre la Franc-maçonnerie et les groupes que certains francs-maçons se croient autorisés à attaquer sont multiples, sauf que lesdits concurrents ont en général peu de visées directement politiques et carriéristes. Selon un mécanisme psychologique bien connu, certains francs-maçons prêtent probablement à leurs supposés concurrents les mêmes mobiles et pratiques qui sont les leurs. Il est vrai que si la franc-maçonnerie se trouvait confrontée à une bonne dizaine de réseaux concurrents sur le territoire français, son charme et son attrait diminueraient fortement : plus d’influence prépondérante sur les institutions, efficacité plus que mitigée pour les carrières, seuls resteraient les membres réellement intéressés par la seule recherche intellectuelle et spirituelle. Le monopole est donc essentiel à son influence et à son attrait.

En tous cas, cette exception française des campagnes contre les sectes (inimaginables dans beaucoup d’autres pays occidentaux) semble étroitement liée – indissociable dirions-nous - à la forte influence de la Franc-maçonnerie au sein des institutions françaises. Non pas que tous les francs-maçons se sentent mobilisés, mais une minorité le sont sûrement. Malheureusement, cette petite minorité de gens convaincus peut de toute évidence utiliser cet immense levier de 150 000 décideurs PACSés pour démultiplier son action, selon les mécanismes vus plus haut, le réseau ne s’y opposant pas ou le favorisant par « solidarité » et discipline : échanges de bons procédés, se monnayant sans doute par on ne sait quel soutien « fraternel » dans d’autres lobbies, qui eux-mêmes….

Gilles Carat

Interview de Sophie Coignard source dailymotion

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