ÉDITORIAL

La tectonique du vivre-ensemble
par Paul Vinel
CAP Liberté de Conscience - avril 2011

 

Notre monde bouge, l’actualité nous le démontre chaque jour Et même les continents se déplacent, lentement certes, mais constamment, provoquant parfois de gigantesques cataclysmes. Le séisme et le tsunami au Japon en sont les derniers exemples. Sous nos pieds, la croûte terrestre est en mouvement permanent. Tel un immense puzzle, des morceaux de continent, les plaques tectoniques, se déplacent, s'entrechoquent, se chevauchent, provoquant des tremblements de terre sur les lignes de fracture. Il est pour l’instant impossible de prévoir où et quand se produiront les prochaines catastrophes. Il est seulement possible d’estimer leur probabilité.

Mais il n’y a pas que des séismes physiques. Il existe également des séismes politiques et sociaux. Et de porter nos regards vers le monde arabo-musulman pour observer un tel séisme se produire sous nos yeux. Parce que les idées et les aspirations des peuples fonctionnent telles les plaques tectoniques. Elles se déplacent elles aussi, elles se propagent au-delà de toutes les frontières en dépit de toutes les censures. Elles s’entrechoquent et provoquent des embrasements sociaux, des révolutions et des guerres. La théorie de la tectonique des plaques s’applique également à elles. Les sismologues nous expliquent que quand les plaques tectoniques se meuvent entre elles sans contraintes, le risque de séisme majeur est faible. Par contre si leurs mouvements relatifs sont entravés, des contraintes s’accumulent, et tel un ressort comprimé qui se détend, provoquent des cataclysmes lors de leur libération. Dans les séismes sociaux, le même phénomène est constaté. Le Printemps arabe en est un exemple. La société arabo-islamique compte parmi les sociétés restées figées tous les siècles passés. La notion de démocratie y est restée le plus souvent un vœu pieux. Les rancœurs accumulées s’expriment donc avec d’autant plus de violence que les régimes en place y sont davantage dictatoriaux.

Et en France ? Y a-t-il dans notre pays des zones sismiques sociales prêtes à entrer en convulsion ? L’actualité et les faits divers nous répondent « oui » ! Citons la polémique sur la présence de l’islam en France qui déchaine polémiques et débats partisans, sans oublier les banlieues chaudes dans les périphéries des grandes villes, les trafics divers, les voitures incendiées dont 42000 pour la seule année 2010. Voilà bien une preuve de malaise chronique. Moins visible mais tout aussi grave, rappelons la chasse permanente contre toutes les minorités de conviction, en particulier contre les minorités spirituelles et religieuses, et contre les thérapies alternatives. Même la manière de s’alimenter donne lieu à controverse. Récemment un couple végétalien a été condamné à cinq ans de prison dont trente mois fermes suite au décès de leur petite fille de onze mois alimentée au sein. « Manque de soins » a décrété la justice, alors même que des enfants décèdent pour cause de vaccination et que tous les deux jours une femme meurt sous les coups de son conjoint, dans l’indifférence générale ! Le webzine magazine Guardian.co.uk du 30 mars 2011 a consacré un article à ce fait divers tragique. Il a constaté qu’il est très difficile d’être végétarien en France. Sans même parler de végétalisme ! Ainsi selon ce journal, la France compterait moins de 1,7% de végétariens contre 15% en Grande-Bretagne. Et de citer le cas d’un petit enfant de 7 ans, végétarien parce qu’il refuse que des animaux soient tués pour être mangés, et à qui la cantine de l’école s’acharne tous les jours à servir un repas de viande ou de poisson. « La différence n’est pas bien reçue » en France dit le Guardian. Voilà bien le drame de notre pays ! Celui-ci est soumis à la dictature « steak-frites et saucisson-pinard », et toute pensée déviante est malvenue.

Notre Monde est devenu un immense Village Global. Cela amène à des mouvements de populations, mais aussi et surtout à des mouvements d'idées: des maitres indiens créent des ashrams dans nos pays occidentaux, alors même que nos idéaux de "démocratie" s'exportent dans les pays arabes et créent de profonds bouleversements. Tout le monde ne vit pas ces changements de la même manière: il y a d’un côté les "enthousiastes" qui s'en réjouissent et voudraient aller encore plus vite; et de l’autre côté les "craintifs" qui ont du mal à suivre, plus les partisans du statut-quo installés dans leurs privilèges. Cela est source de tensions sociales. La "chasse aux sectes" et l’opposition farouche aux médecines parallèles en sont des exemples, et après les méchantes "sectes" les laïcistes ont trouvé une nouvelle cible, l’islamisme conquérant qui selon eux menace l’identité française.

Le besoin d’un Code de la route est apparu suite à la multiplication du nombre de voitures qui rendait la circulation routière difficile. Aujourd’hui nous assistons à une multiplication des croyances religieuses, spirituelles et philosophiques, des modes de vie différents. Nous avons désormais besoin d’un Code du vivre-ensemble décrivant les droits et les devoirs de chacun! Pour l’élaborer, un Grenelle du Vivre-ensemble devrait être mis en place afin d’écouter les doléances, les craintes et les espérances de tous, loin des querelles partisanes.

Les sismologues ont expliqué que les entraves au libre déplacement des plaques tectoniques provoquent des accumulations d’énergies qui en se libérant provoquent des cataclysmes. De même les entraves à la libre expression des aspirations des communautés et des individus augmentent les risques de futures explosions sociales et politiques. C’est le devoir des responsables politiques de les anticiper et de prendre des mesures préventives : un nouveau Grenelle pour élaborer un Code du vivre-ensemble s’impose !

 

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